décembre 2011

    Adieu Mascate ! A nous les montagnes plongeant dans la mer ! Les couleurs nous enchantent : l’ocre des montagnes se mêle au vert (tendre, olive, gris-vert) des petits buissons et au bleu du ciel dès la sortie de la capital
e. Ca tournicote sec et nous mettons le frein à moteur à rude épreuve ; il vaut mieux si nous ne voulons pas finir dans le décor comme ce camion qui transportait des sacs de ciment et qui git, encastré dans les rochers ! Nous poussons jusqu’à Al-Sifah, petit village coincé au bout d’un cul-de-sac, dont le guide nous vante les merveilleuses plages de sable blanc qui s’étendent à l’infini… C’est sans compter les années qui se sont écoulées entre l’édition du guide et maintenant : un énorme complexe hôtelier est en construction à 2 kilomètres du modeste village de pêcheurs d’Al-Sifah ! Englouties, les jolies plages : place aux bâtiments, à la marina et aux plages privées riquiqui… Nous sommes un peu déçus. Certes, les ânes déambulent encore en liberté et les montagnes encadrent toujours l’endroit, mais il n’a plus l’allure de bout du monde dont nous rêvions… Nous retournons donc
sur nos pas, re-tournicotons, re-traversons les villages toujours agrémentés de leur terrain de foot (sur terre battue, graviers, au milieu d’un gué…) et débusquons un boutre abandonnée couché sur le flanc à l’entrée d’une crique, peut-être celle du capitaine ? Un instant, nous nous prenons pour des flibustiers ayant découvert un trésor, puis nous sommes contraints de quitter ce lieu mystérieux car la mer monte !


    Une mangrove* apparaît au détour d’un virage, bordée de bateaux de pêche et de cabanes brinquebalantes. Nous voilà revenus à une dizaine de kilomètres de Mascate, à l’entrée
d’une crique aménagée en complexe hôtelier-centre de plongée : Barr-al-Jissah. Nous entrons voir à quoi ressemble la plage et y rencontrons un couple de Français, de Dinard : Yves et Lydie. Ils nous invitent à passer chez eux à Mascate, si besoin est, mais nous espérons bien ne pas avoir à y retourner ! En tous cas, nous passons un moment très agréable ensemble, à papoter jusqu’au coucher du soleil. Nous sommes garés à l’extérieur du « resort », au pied des montagnes, sous les étoiles. Un peu d’école, une bonne douche et beaucoup de crêpes dominicales ponctuent cette belle journée. Nous trouvons tout de même que l’homme, au nom du développement  -ici, essentiellement touristique- dénature sacrément l’environnement. Peut-être est-ce indispensable pour l’économie du pays ? Mais qui en profite vraiment ? … nous ! Il est vrai que c’est plaisant de s’allonger sur une plage propre et de se baigner dans une eau  où l’on ne croise que des poissons et pas de détritus ! Et puis, Sabine ne craint pas de choquer quiconque en bikini, vu qu’il n’y a que des occidentaux sur cette plage. Nous barbotons donc une bonne partie de la journée et Amélie fait même ses premières brasses sans brassards dans la piscine du centre de plongée ! Notre ami Patrick apparaît sur la route : une camionnette vient de le déposer et il nous a repérés. C’est la dernière fois que nous le croisons car il reprend l’avion dans deux jours. Vraiment rigolo de se retrouver dans des coins si paumés !

*mangrove : forêt composée de palétuviers qui poussent dans la vase des littoraux tropicaux


    Nous arrivons à Qurayat de nuit. Un chauffeur nous guide jusqu’à une « plage »toute calme, mais nous ne tardons pas à avoir de la visite : Hamid et Sultan, la vingtaine, sont curieux de savoir comment nous vivons dans notre camion. Ils visitent notre cabane, s’assurent que nous n’avons besoin de rien et partent. Cependant, Sultan revient avec un bol d’halwa, spécialité omanaise à base de purée de dattes, cannelle, cardamome, poudre d’amandes, sucre et noix de cajou. Un délice, dont les rondeurs de Sabine vont se souvenir… C’est malin ! En revanche, cette gourmandise paraît toute indiquée pour le régime «aggrossissant» de Thierry !

    Au réveil, belle vue sur la mangrove, certes un peu grisonnante car elle est située au pied d’un site d’extraction de graviers qui se mêle à l’océan quelques 500 mètres plus loin. Les enfants et Sabine s’y rendent, s’enfoncent dans la vase, croisent beaucoup de déchets (plastiques, ficelles, chaussures…) et admirent les vagues qui éclatent sur le sable.  En descendant le long de la côte, à Dibab, nous descendons au fond d’une espèce de cratère rempli d’eau, le « Hawit Nijim », qu’une météorite égarée aurait formé il y a de cela fort longtemps…  L’eau, salée, va du vert turquoise au bleu profond, dans un bassin de 40 mètres de diamètre et dont la profondeur est inconnue, le tout à 20 mètres en-dessous du sol ! En partant, nous repoussons
délicatement le portail afin de ne pas réveiller le gardien qui fait la sieste…


    Puis nous nous installons en bord de falaise qui domine l’océan, pour pique-niquer. Les vagues éclatent sur les rochers, les crabes se faufilent et les étoiles de mer fascinent les enfants. Trois biquettes s’approchent, l’air de rien, histoire de chiper les restes de notre pique-nique… Inès, Martin et Amélie entreprennent aussitôt de les attirer dans un « enclos » délimité par des pierres au sol ! Contre toute attente, l’une d’elle, attirée par les feuilles de chou (un peu daubées, mais
visiblement, cela ne la rebute pas...) qu’ils secouent devant elle, tombe dans le panneau et se retrouve, certes pour un minuscule instant, prisonnière de nos bergers en herbe ! Quelle rigolade lorsqu’elle se sauve et qu’ils lui courent après en la houspillant ! Dans le même genre, Sabine essaie bien de proposer une cuillère d’halwa à une autre chèvre, qui hésite un peu avant de filer : on ne se fait pas avoir à chaque fois… Passé cet épisode « amis des bêtes », nous crapahutons dans les rochers ocre-rouge bien saillants, admirons le sauvage océan, puis mettons le cap sur le village de Tiwi. Nous passons d’ailleurs en-dessous du Tropique du Cancer (qu’on se le dise !).
  

    Après avoir peiné à en trouver le chemin d’accès –la route principale a été emportée par les eaux lors des dernières pluies…- nous pénétrons enfin dans la gorge du Wadi Tiwi. D’immenses falaises dominent la route goudronnée qui longe la rivière sur quelques kilomètres puis un gué stoppe notre monture. Comme la nuit tombe, nous établissons le bivouac et attaquons une petite séance scolaire avant le rituel du soir. Pour tout « bruit », il n’y a que le chant des oiseaux dans les palmiers : plutôt détendant ! Le taux de « matière grasse » de la matinée s’en ressent… Bref, notre petit-déjeuner pourrait s’appeler « brunch », vu l’heure… En tout cas, nous sommes d’attaque pour aller gambader le long de la rivière qui cascade
entre les rochers! Il paraît qu’il y a neuf villages dans ce wadi ; nous n’en croiserons que quatre, les autres étant vraiment isolés derrière la montagne. Les maisons sont plutôt sobres, même si certaines sont très colorées et arborent des portails assez ouvragés. D’autres en revanche tombent en ruine, laissant apparaître le squelette de leur construction : murs en pisé, planchers de poutres recouvertes d’un treillis de palme, lui-même recouvert de gravats puis de planches. Les canaux d’irrigation, appelés « falaj », sillonnent les plantations de palmiers-dattiers et de bananiers. L’eau qui descend de la montagne est équitablement répartie dans tout le village avec un système de pierres enroulées dans des chiffons et coincées aux intersections des différents canaux ; on les enlève pour libérer l’eau d’un côté ou de l’autre des plantations. En rentrant au camion, nous rencontrons Saeed, un Omanais portant un sabre enveloppé dans un beau fourreau bleu. Il nous fait comprendre qu’il vaut nous offrir un « qahwa » et des « tamar », soit un café avec des dattes. Nous l’embarquons donc dans notre cabane à roulettes car il habite au village, à l’extérieur du wadi. Il nous installe dans une grande pièce dépourvue de meubles. Nous nous asseyons donc sur le grand tapis pour déguster les pommes et les oranges (qu’il nous épluche à la vitesse de l’éclair pour que nous n’ayons jamais la bouche vide), les pommes-noisettes, les spaghettis sucrés (!) puis le café à la cardamome accompagné de ses délicieuses dattes. Nous mangeons avec les doigts, pour le plus grand plaisir des enfants… Saeed nous montre une montagne de cartes postales et de photos d’autres occidentaux qu’il a accueillis auparavant : il pourrait monter une agence touristique !


  
Après ce bon repas, il nous emmène dans le Wadi Shab voisin, inaccessible en voiture, celui-là. Nous nous garons au pied de l’immense auto-pont qui permet aux véhicules de circuler même lorsque le wadi est déchaîné et embarque tout sur son passage : il est très moche avec ses énormes piliers en béton… Heureusement, la magie opère dès les premiers mètres dans la gorge du wadi. Nous parcourons un kilomètre dans les graviers avant de découvrir les falaises très encaissées et la rivière se dissimulant entre les rochers, quelques centaines de mètres plus bas. Saeed nous guide sur un petit sentier à flanc de montagne qui débouche sur une étroite vallée verdoyante, irriguée par le fameux réseau de falaj traditionnels. Palmiers et bananiers s’épanouissent là, paisiblement. Au bout du wadi, la rivière forme des bassins naturels dans lesquels nous plongeons volontiers ! Saeed emprunte le maillot de bain de Thierry et apprend à Inès comment tresser les feuilles de palmiers. Nous partageons un bon goûter ensemble avant
de repartir en sens inverse car le soleil commence à se cacher derrière les montagnes. Nous déposons Saeed dans son village et décidons de rester une nuit encore dans le wadi Tiwi tellement nous nous y sentons bien. En plus, ce soir, c’est fête : Thierry propose un feu de camp en guise de mode de cuisson ! Les knackis au poulet hallal n’ont qu’à bien se tenir ! On les enfile sur des piques à brochettes en tige de palme et on les fait griller juste ce qu’il faut… Le régal, quoi !


    Le lendemain matin, notre ami Saeed est déjà là : il s’invite pour le petit-déjeuner ; à chacun son tour de recevoir l’autre. Il prend cependant congé rapidement et nous plions aussi notre bivouac, mais pas sans faire une petite lessive « à l’ancienne », au bord de la rivière ! Pendant ce temps, les enfants, sous la direction d’Inès, qui maîtrise de mieux en mieux le tressage, nous tricotent une écharpe en feuilles de palmier…


   
Etape suivante : Sur«la blanche» ; en effet, beaucoup de maisons sont très claires dans cette ville côtière réputée pour ses chantiers navals de boutres. Nous y faisons un saut pour admirer avec quelle dextérité les artisans taillent leur planches sans aucune mesure ni plan et les assemblent pour donner forme à ces fameux navires de commerce utilisés dans tout le golfe arabo-persique depuis des siècles. Le soir, alors que nous nous ravitaillons en eau au robinet d’une mosquée, un jeune discute un long moment avec Thierry, malgré la barrière sévère de la langue (pas d’anglais possible…). Il finit par téléphoner à l’un de ses amis anglophone qui nous explique qu’il souhaite nous inviter chez lui. Le dîner étant déjà prêt et la route encore un peu longue ce soir, nous déclinons à regret cette invitation. Le jeune homme nous quitte, mais revient un quart d’heure plus tard avec quatre litres de lait, pour les enfants. Nous sommes gâtés !


   
En fait, après le dîner, nous roulons jusqu’à Ras-al-Hadd, une plage réputée pour ses tortues… Le vent intense nous décourage de rester bivouaquer là tant il nous farcit les oreilles à l’intérieur du camion. Nous optons pour un parking moins sauvage, le long du mur d’enceinte de l’hôtel tout proche, qui nous abrite carrément bien. Pour pouvoir voir des tortues marines venir pondre sur la plage, soit on scrute l’océan en indépendant, soit on peut se faire prendre en charge par le Centre Scientifique de Ras-al-Jinz, à une dizaine de kilomètres de là. Nous allons nous y inscrire pour la séance du soir suivant, manquant de percuter en route plusieurs dromadaires nonchalants, en liberté dans la garrigue.

En attendant, nous passons la journée sur une plage sublime, en contrebas de la route qui mène à Asylah : sable fin, blanc et propre, petits rochers à fleur d’eau, crabe sournois qui se sauve dès que l’on s’approche de trop alors qu’il se creuse un trou, trous de tortues à volonté ! Le cerf-volant ondule dans le ciel, nos doigts de pied s’offrent un massage marin, et nous nous gavons d’air pur ! Après le déjeuner, Thierry rencontre des pêcheurs qui jettent leurs filets depuis les petits rochers saillants quand les vagues éclatent sur le rivage. Cette technique n’a pas l’air aisé : ils sont trempés, en équilibre, mais néanmoins, les prises sont bonnes. D’ailleurs, un pêcheur nous donne trois poissons et un plein sac de moules à la fin de la journée ! Nous dégustons immédiatement les poiscailles, au four, et réservons les moules pour le lendemain, car elles ont besoin d’un « léger » coup de brosse…


    Après ce repas, nous filons à Ras-al-Jinz pour notre escapade nocturne à la découverte des tortues. Nous y rencontrons un couple de Français bien sympas qui bivouaque par là : Patrick et Véronique. Lorsque les guides sont sûrs d’avoir repéré des tortues sur la plage, ils nous rassemblent et nous marchons un quart d’heure pour rejoindre la plage où plusieurs tortues sont à l’œuvre : quelle chance    pour nous ! Nous en voyons trois qui creusent leur trou, une qui pond sa centaine d’œufs sous nos yeux, une autre qui regagne la mer laborieusement (ses pattes palmées ne sont pas du tout adaptées aux
déplacements terrestres) et, clou du spectacle, une ribambelle de petites tortues toutes neuves qui sortent du sable comme par magie après avoir séjourné deux mois au chaud dans leur oeuf et se dirigent instinctivement vers le rivage pour se mettre à l’eau, sous l’œil gourmand des échassiers qui scrutent de manière très intéressée les plus faibles qu’ils attraperont au vol et dont ils ne feront qu’une bouchée… Dure loi de la nature ! En tout cas, nous sommes ravis car ces évènements ne se commandent pas, et certaines nuits, aucune tortue ne montre le bout de sa carapace. Nous réalisons, en nous garant pour la nuit, que nous sommes au point le plus oriental de notre voyage, en camion du moins… le GPS indique : N 22.42 708° et EO 59. 82 668°.


    Nous repassons par Sur avant de rentrer dans les terres car nous espérons encore recevoir les numéros de visas nécessaires à l’obtention de nos visas saoudiens. Malheureusement, nous trouvons un mail de notre ami nous conseillant de nous débrouiller autrement, son correspondant saoudien n’ayant pas donné signe de vie… Nous sommes dépités car cela signifie que nous devons retourner à Mascate pour effectuer notre demande là-bas, puis rentrer aux Emirats en attendant la réponse et parce que nos visas omanais auront expirés, tout ça pour que l’un de nous deux revienne tout seul en bus déposer les dossiers et poireauter jusqu’à ce que nos passeports soient réellement revêtus du tampon « magique ». Nous positivons en nous disant qu’au moins, nous avons une solution de secours…

Du coup, nous écourtons notre séjour dans les dunes rouges, aux portes du désert. Nous prenons tout de
même le temps de nous ensabler légèrement à Biddiyah, premier village bédouin que nous voyons. Thierry a la présence d’esprit de dégonfler les pneus et parvient, avec le soutien d’un groupe de locaux en pick-up 4 x 4, à déplacer le camion et à se garer en lieu sûr. Les gars viennent récupérer Sabine et les zouzous au pied de la dune où ils avaient commencé à grimper, se délectant de la finesse de ce sable et de la vue sur les autres dunes environnantes. Tout ce petit monde grimpe dans la benne et se régale des – raisonnables – cascades que le conducteur fait dans le sable avant de regagner la route ! Ils nous indiquent ensuite un endroit où nous pouvons bivouaquer, pas loin d’un enclos à dromadaires ; espérons qu’ils ne ronflent pas trop fort…


    Au matin, avant même de petit déjeuner, nous partons à l’ascension de la dune pour voir ce qu’il y a derrière : du sable rouge à perte de vue ! Et pas mal de déchets aussi… Visiblement, là non plus, le respect de l’environnement n’est pas primordial.  Inès, Martin et Amélie échafaudent une tente en branches de palmiers et font un concours de saut en hauteur dans le sable. Un dromadaire fait une halte devant le panneau «stop», cela nous amuse beaucoup ! Dans le village suivant, nous nous arrêtons dans
une station de gonflage où un habitant avec qui nous discutons trois minutes nous paie le gonflage des pneus, comme ça. Puis, ce n’est pas tout, mais un ambassadeur nous attend à Mascate, nous. En avant ! Après le pique-nique en rase plaine désertique, Thierry coupe les cheveux de Sabine. Petite pause au souq d’Ibra, avec ses artisans (menuisiers, soudeurs, couteliers, ferronniers, tailleurs) et ses primeurs bien frais (il y a même des pommes françaises ! Le marchand en offre un kilo aux enfants tellement ils sont heureux de trouver des fruits de chez nous.) Enfin, c’est le retour à Mascate. Nous tournons une heure dans la capitale avant de trouver enfin la Grande Mosquée du Sultan Qaboos,
que nous voulons visiter le lendemain matin, avant d’attaquer les choses sérieuses. Elle est entourée d’immense parking arboré, idéal pour un bivouac... Le matin, donc, émerveillement devant cette architecture imposante et raffinée à la fois. Elle renferme le plus grand tapis tissé à la main, des lustres géants sertis de cristaux de Svarovsky, des mosaïques rappelant les différentes influences de l’art islamique et est ceinte de magnifiques jardins et bassins.


    Etape moins envoûtante, la visite à l’Ambassade de France, où l’on nous déconseille vivement de traverser l’Arabie Saoudite, notamment à cause des fanatiques religieux qui ne voient pas d’un bon œil les « infidèles » qui osent fouler le sol de leur territoire saint. Tout cela nous trouble et nous décourage, d’autant que nous avions pensé à remonter par l’Iran et que l’on nous annonce que c’est une très mauvaise idée étant donné la situation délicate liée au sujet du nucléaire… Nous voilà coincés sur la péninsule arabique : la bonne affaire ! Qu’à cela ne tienne, nous décidons malgré tout de lancer la démarche pour les visas. Le consul saoudien est adorable : après discussion, il nous fait « cadeau » des deux semaines de délais pour le courrier d’autorisation qu’il aurait dû envoyer au Ministère des affaires Etrangères saoudiens. En déposant notre demande aujourd’hui, auprès d’un bureau de transcription en ville, nous pouvons espérer récupérer nos passeports dès demain ! Le moral remonte au beau fixe ; ce doit être le signe que nous ne devons pas renoncer à cette traversée !


    Retour au parking de la Grande Mosquée, qui s’avère être un endroit vraiment paisible, bien qu’il n’y ait pas de point d’eau. Alors que Thierry va remplir le petit jerrican d’eau potable à la Mosquée, un homme nous rend visite : il est intrigué par notre camion et nous sympathisons rapidement. Il voudrait nous inviter chez lui, mais nous lui expliquons que notre journée est déjà calée : Children’s Museum ce matin (nous l’avons promis aux enfants), puis récupération de visas en début d’aprèm’ et zou, en route
pour Nizwa ! Bien déçu, il nous propose de nous guider jusqu’au musée, ce que nous acceptons volontiers, car nous en avons assez que notre GPS ne soit pas au courant que les ronds-points se sont transformés en échangeurs de voie rapide et qu’il nous fasse faire trois le tour de la ville à chaque fois que nous nous déplaçons dans la capitale. Il faut dire que cette ville, dont le développement se fait plutôt à l’horizontale, est en perpétuels travaux. Mohamed ne peut pas s’empêcher de s’arrêter en route dans une station-service pour acheter des chips, des glaces et des confiseries aux enfants, ainsi que bonnets et écharpes au couleurs du sultanat ! Cette culture de l’accueil de l’étranger est vraiment forte.


    Le Children’s Museum est drôlement bien fichu et nous apprenons des tas de choses sur les phénomènes naturels, technologiques, etc au travers d’une multitude de manipulations et d’expériences à la fois ludiques et pédagogiques (tout de suite, les « gros mots de la maîtresse !). Les
batteries sont à bloc et nous arrivons en pleine forme pour récupérer nos passeports. Dommage : ils ne sont pas prêts… La secrétaire a eu un contretemps, il faudra revenir demain. Dépités, nous décidons d’aller rendre visite à Yves et Lydie, rencontrés sur la plage de Bar-al-Jissah, afin de pouvoir dissiper notre désarroi au contact de personnes avec qui nous partageons un gros minimum de culture commune. Une fois sur le parking de leur résidence, à The Wave, il suffit d’un petit coup de fil passé avec le portable d’un gars sympa croisé là pour qu’Yves vienne nous retrouver et nous invite à rester dîner avec lui et sa femme. Ils nous cocoonent, nous permettent d’utiliser Skype pour appeler les grands-parents (cela ne marche pas si l’on n’est pas chez un particulier, en Oman) et installent des dessins-animés dans l’ordinateur pour nos nounours ! Ce baume
au cœur est efficace : encore un immense merci à eux ! Du coup, nous bivouaquons là.

   

    Le lendemain, ils se sauvent, mais nous invitent à nous baigner dans la piscine de la résidence, en attendant que nos visas soient prêts : trop chouette ! Lorsque nous débarquons au bureau, la secrétaire nous annonce que nous retrouverons son collègue et nos passeports … à la station-service voisine ! Quelle drôle d’idée, cela ne fait pas très sérieux. Mais Amar est bien là, avec nos passeports et les visas. Seul hic : ils se sont plantés sur la destination : ils ont écrit sur nos visas que nous allions au Qatar au lieu de la Jordanie ! Du coup, comme c’est le week-end ici, nous devons poireauter jusqu’à samedi au mieux, et lundi au pire, pour qu’ils annulent l’ancien visa et nous en délivrent un nouveau, sur lequel nous devrions avoir cinq jours pour le transit au lieu de trois, ce qui ne serait pas un luxe. Nous sommes tout de même un peu partagés sur le bien-fondé de notre future traversée de l’Arabie (cf. les «fanatiques»). Nous allons essayer de prendre contact avec l’ambassade de France en Arabie en janvier, avant de traverser, pour ficeler notre déplacement au plus sûr, voire demander une escorte, ou du moins, une surveillance de la police sur nos lieux de bivouacs.


    En attendant, retour au bureau, car notre « ami » Amar s’est volatilisé… Manar, la secrétaire, nous assure qu’elle fera son maximum pour que les visas soient prêts au plus tôt ; Inch’Allah !... Nous passons les trois jours qui suivent sur le parking de la résidence The Wave, à profiter de la piscine, de la proximité du petit supermarket et surtout du temps « libre » qui s’impose à nous pour faire classe régulièrement et aussi entamer de vraies parties de jeux de société en famille ! Le dernier jour, le responsable de la sécurité de la résidence vient nous informer que des résidents, sous-entendu certainement des occidentaux, se sont plaint de notre présence sur le parking, comme quoi ils n’étaient pas venus investir dans un endroit de standing pour avoir sous le nez une bande de « romanos » à roulettes, quoi… Ah, les occidentaux et leur sens de l’accueil de « l’étranger »! Du coup, nous plions bagages, pique-niquons sur la plage et allons passer l’après-midi dans un immense «mall» (centre commercial) en dévalisant le Carrefour (pourtant, Sabine s’était mis un point d’honneur à ne pas craquer …), ce qui est bien pratique, il faut l’avouer, à une semaine de Noël ! Les vœux émis dans la traditionnelle Lettre au Père Noël déposée dans la boîte aux lettres omanaise vont sans doute ainsi pouvoir être exaucés…


   Le soir, nous retrouvons notre bivouac préféré de Mascate, à savoir : le parking de la Mosquée Qaboos, où personne ne vient nous demander des comptes. Aucune nouvelle du bureau pour les visas le samedi… Nous en profitons pour nous rendre dans le quartier de Qurm afin d’admirer le coucher de soleil sur la mangrove et de tenter d’approcher un imposant échassier gris (un papa héron ?) sur la plage. A la nuit tombée, nous nous baladons dans l’immense Parc Qurm aux cascades moussantes et fontaines colorées puis « rentrons » bivouaquer à la Mosquée.  Au matin, parties de badminton  et de foot mettent les petits écoliers en jambe. L’instinct nous dit qu’il est temps d’aller récupérer les passeports… Bonne pioche : Manar nous envoie directement à l’ambassade où ils nous attendent ! Yahoo ! Nous avons bien cinq jours de transit, par contre, la validité du visa n’est que d’un mois : il nous faudra être sortis d’Arabie avant le 18 janvier… Un peu court pour notre petite virée en Inde ou en Asie du sud-est ! Bref, le consul nous souhaite à nouveau une bonne traversée et nous invite à revenir le voir bientôt… Qui sait ?


 
  Maintenant, assez traîné : en route pour Nizwa ! Cap au sud, donc pour rejoindre la ville aux remparts magnifiques et au fort insolite. La Maman Lutin finit d’approvisionner la hotte du Patron pendant que les enfants visionnent un petit dessin-animé dans la «capucine» (ou partie avant, surélevée, du camping-car)… En ville, c’est le bazar, car tout se passe autour des remparts. Thierry se fait guider vers un café internet : fermé. Du coup, ses gentils accompagnateurs sui proposent de se connecter directement à partir de leur téléphone portable : trop sympas ! Nous enregistrons les mails, que nous lirons calmement dans le camion plus tard. C’est un  sacré travail que de partir au bout du monde !


    Ne perdant pas nos bonnes habitudes, nous élisons domicile devant une petite mosquée où nous nous approvisionnons en eau. Puis c’est la fête des crêpes ! De Nizwa, nous retiendrons l’imposant fort (une tour ronde de 30 mètres de diamètre et autant de haut) accolé à son château au dédale de terrasses et d’escaliers dignes d’un labyrinthe. En sortant, nous errons dans le souq aux poteries (surtout des jarres à suspendre, qui servent à maintenir les liquides au frais) et aux paniers de toutes sortes. Malheureusement, il est trop tard pour le souq aux fruits et légumes, aux poissons et à la viande. Nous terminons la journée au village d’Al-Hamra, avec ses vieilles maisons en pisé un peu décaties, mais charmantes. Il se trouve au pied du Wadi Ghul, pas très loin du plus haut sommet de l’Oman, le Jebel Shams. Thierry dégote un petit chemin au milieu de nulle part et
qui mène à … une décharge ! (Cela fera sûrement sourire les copains avec qui nous voyagions en 2 CV, il y a quelques années…) Nous ne sommes pas arrêtés depuis dix minutes qu’un jeune garçon débarque en pick-up pour nous offrir le café et les dattes ! Fantastique, tout de même ! Il est curieux de notre cabane, des modelages qu’Inès, Martin et Amélie sont en train de pétrir : il nous faut bien une crèche. C’est d’ailleurs assez insolite de donner forme à une Marie et un petit Jésus alors que votre hôte vous demande de l’eau pour se laver les mains et le visage avant de faire sa prière à deux mètres de là ! Adil décortique le manuel de maths d’Inès, nous dit le nom des objets et des images en Arabe et finit par accepter notre invitation à rester dîner avec nous. L’endroit est idéal pour faire un petit feu : les saucisses tremblent de peur dans le frigo ! Avant le coucher, nous admirons les constellations qui s’affichent très clairement grâce au faible éclairage artificiel des environs. Peu de temps après, nous changeons d’emplacement car nous entendons des bruits d’animaux qui n’ont pas l’air d’avoir l’intention de se taire… Nous nous retrouvons le long d’une route, collé à la façade d’un coffee-shop : un peu moins magique comme endroit….


     
  Le lendemain, nous nous rapprochons du collège voisin pour tenter d’en attraper la connexion internet en wi-fi, mais en vain. Ensuite, nous retournons le long du Wadi Ghul qui longe la route sur une trentaine de kilomètres avant de grimper sec dans la montagne. Nous amorçons la méchante montée, mais le camion ne l’entend pas de cette oreille…. Mieux vaut renoncer à cette ascension un peu trop abrupte. Au détour d’un virage, un petit groupe de maisons apparaît, avec une mosquée … et donc de l’eau ! Nous remplissons notre bidon-machine à laver au robinet des ablutions, le tout avec vue sur les montagnes d’un côté, et la vallée de l’autre. Martin et Amélie se font une cabane dans un abri de berger, Inès les rejoint et prend des photos. Tout ce petit monde crapahute pendant que Sabine essore les petites culottes en plein air. En revenant vers Al-Hamra, nous faisons une halte dans un village qui surplombe le Wadi Ghul. De l’autre côté des habitations modernes se dressent les ruines d’un ancien village en pierre qui domine une immense étendue verdoyante et fertile, où s’activent des ouvriers. Nous partons à la découverte du village abandonné, traversant les falaj et les palmeraies. Nous croisons un groupe d’hommes qui se rendent à la mosquée et qui nous invitent à venir boire le café : nous acceptons l’invitation, mais après notre balade et leur prière. Du haut des ruines, la vue est superbe : montagnes brun-rouges, cultures vert tendre, pierres grises dans le fond du wadi et façades de maisons un peu hétéroclites. Nous redescendons et marchons deux kilomètres entre les falaises en suivant les canaux d’irrigation pour atteindre le petit hameau de Nakhar. Pause banane-coup à boire, et retour au village. Nos hôtes sont en train de manger, dehors. Les hommes sont assis en cercle sur un tapis, autour du plat commun. Abdallah nous fait entrer dans une grande pièce avec un tapis et des coussins pour tout ameublement. Il apporte du café, des fruits et des dattes puis engage la conversation, en anglais. Sabine est invitée à rejoindre les femmes dans la maison. Là non plus, pas de meubles, mais une télévision qui diffuse des émissions en boucle. Les femmes s’écartent pour laisser une place à l’étrangère et lui proposent de partager leur repas. Faire des boulettes de riz en y incorporant simultanément des bouts de poulet ne s’invente pas… Les scrupules tombent à mesure que les autres femmes – et surtout leurs enfants – crépissent le tapis de petits grains blancs ! La discussion est limitée par la barrière de la langue, mais on fait des gestes et des sourires et la communication s’installe. Inès, Martin et Amélie acceptent timidement les délicieuses bananes qu’on leur propose mais ne vont pas trop vers les autres enfants…


    Nous prenons congé de nos charmants hôtes, super frustrés de ne pas pouvoir immortaliser notre furtive rencontre, la faute à une batterie d’appareil-photo en rade ! Screu-gneu-gneu, la maman d’Abdallah avait un regard si beau, si perçant avec le gris de ses pupilles et le sourire que traduisaient ses rides… Pas grave, nous imprimons les images dans notre disque dur interne ! Un peu plus loin, dans le village de maisons de type yéménite à deux voire trois étages, en périphérie d’Al-Hamra, des scènes de la vie quotidienne ont été reconstituées. Nous toquons à la porte de Bayt-al-Safa (« la maison de la grosse pierre », en mémoire de l’énorme rocher sur lequel repose cette maison) et suivons le guide qui nous présente la mouleuse de grain, celle qui torréfie le café, celle qui fait les galettes de pain (que nous goûtons et que les enfants dévorent), celle qui tresse les rubans pour décorer les «abeyas» des dames, celle qui récupère l’huile d’une arachide pour en faire un soin cosmétique… C’est très concret et nous permet vraiment d’imaginer comment les choses étaient faites autrefois. La visite se termine avec la dégustation du café torréfié sous nos yeux quelques minutes auparavant, les dattes et l’halwa.


    De retour au camion, nous remplissons nos réservoirs au tuyau d’un habitant qui aspergeait le trottoir (il ne pleut pas beaucoup, ici, mais sûrement que la montagne et ses ruisseaux remédie à cette pénurie, vu l’usage non restreint que l’on fait de l’eau…) puis roulons jusqu’à Bahla, dont nous arpentons les rues du souq en plein air en quête de quelque production artisanale, type panier tressé, pour faire des cadeaux. C’est peine perdue…Il faudrait revenir entre 6 heures et 10 heures, et surtout débusquer l’emplacement exact de ce fameux souq artisanal que personne ne sait situer. Le point positif, c’est que nous pouvons nous connecter à internet et envoyer des signes de vie à nos amis et familles ; en ces temps de fêtes, c’est précieux ! Notre dernier trajet nous amène devant le Château de Jabrin, que nous prévoyons de visiter le lendemain.


   
En fait, nous refaisons un saut dès le réveil à Bahla car nous n’avons trouvé aucun souvenir à rapporter, et ce n’est pas à Dubaï que nous trouverons les effets les plus authentiques… Pas de souq artisanal, juste quelques échoppes de matériel agricole et ouvrier fait main (corde, paniers pour les récoltes, couteaux, faucilles….) et un magnifique marché aux fruits et légumes en extérieur, à même le sol pour la plupart des stands. A défaut de souvenirs, sabine rapporte un kilo de carottes à 300 baïsas, soit 0,60 euros… Assez traîné, le Château de Jabrin et surtout ses pièges et cachettes secrets nous attend ! Nous rencontrons une famille française sur le parking et Inès est toute contente de pouvoir partager un peu de sa vie avec des petites filles de son âge. Malheureusement, ils repartent, nous arrivons…. Ce fut court. Pendant nos papotages, Amélie s’est trouvé un compagnon de badminton : le guide omanais de la famille avec laquelle nous faisons connaissance. Les échanges sont intenses, même si le volant tombe souvent par terre… Dans le château fortifié, des pièces dans tous les recoins, des pièges pour coincer les éventuels adversaires (trous qui se dérobent dans les escaliers, fentes pour jeter du jus de datte bouillant, …) et même des prisons ! Au sommet, une mosquée et une école coranique, ainsi que des tours de guet qui dominent les palmeraies environnantes au premier plan, et les plaines désertiques au fond.


   Il ne nous faut pas trop tarder : Noël approche et nous voulons le fêter à Dubaï, en « famille » avec nos amis Julie et Benoît, ainsi qu’avec Julien, le cousin de Sabine. De plus, les visas omanais arrivent à expiration le 26 décembre….Direction Al-Aïn. Nous traversons un désert de pierre entre le Jebel Kuwar et Hamarat ad-Durat puis changeons de paysage sur les derniers kilomètres avant Sunaynah : la plaine aride prend le relais. Comme à l’accoutumée, nous stoppons près d’une mosquée, en espérant secrètement que le muezzin a une jolie voix.…Il n’aura pas chanté ! La mosquée est en rénovation. En route pour la frontière Oman/Emirats ! Contre toute attente, nous la passons en une demi-heure, photos de nos iris comprise ! Et sans frais, ce que nous apprécions vivement.
 

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