décembre 2011
*mangrove : forêt composée de palétuviers qui poussent dans la vase des littoraux tropicaux
Nous arrivons à Qurayat de nuit. Un chauffeur nous guide jusqu’à une « plage »toute calme, mais nous ne tardons pas à avoir de la visite : Hamid et Sultan, la vingtaine, sont curieux de savoir comment nous vivons dans notre camion. Ils visitent notre cabane, s’assurent que nous n’avons besoin de rien et partent. Cependant, Sultan revient avec un bol d’halwa, spécialité omanaise à base de purée de dattes, cannelle, cardamome, poudre d’amandes, sucre et noix de cajou. Un délice, dont les rondeurs de Sabine vont se souvenir… C’est malin ! En revanche, cette gourmandise paraît toute indiquée pour le régime «aggrossissant» de Thierry !
Le lendemain matin, notre ami Saeed est déjà là : il s’invite pour le petit-déjeuner ; à chacun son tour de recevoir l’autre. Il prend cependant congé rapidement et nous plions aussi notre bivouac, mais pas sans faire une petite lessive « à l’ancienne », au bord de la rivière ! Pendant ce temps, les enfants, sous la direction d’Inès, qui maîtrise de mieux en mieux le tressage, nous tricotent une écharpe en feuilles de palmier…
En attendant, nous passons la journée sur une plage sublime, en contrebas de la route qui mène à Asylah : sable fin, blanc et propre, petits rochers à fleur d’eau, crabe sournois qui se sauve dès que l’on s’approche de trop alors qu’il se creuse un trou, trous de tortues à volonté ! Le cerf-volant ondule dans le ciel, nos doigts de pied s’offrent un massage marin, et nous nous gavons d’air pur ! Après le déjeuner, Thierry rencontre des pêcheurs qui jettent leurs filets depuis les petits rochers saillants quand les vagues éclatent sur le rivage. Cette technique n’a pas l’air aisé : ils sont trempés, en équilibre, mais néanmoins, les prises sont bonnes. D’ailleurs, un pêcheur nous donne trois poissons et un plein sac de moules à la fin de la journée ! Nous dégustons immédiatement les poiscailles, au four, et réservons les moules pour le lendemain, car elles ont besoin d’un « léger » coup de brosse…
Nous repassons par Sur avant de rentrer dans les terres car nous espérons encore recevoir les numéros de visas nécessaires à l’obtention de nos visas saoudiens. Malheureusement, nous trouvons un mail de notre ami nous conseillant de nous débrouiller autrement, son correspondant saoudien n’ayant pas donné signe de vie… Nous sommes dépités car cela signifie que nous devons retourner à Mascate pour effectuer notre demande là-bas, puis rentrer aux Emirats en attendant la réponse et parce que nos visas omanais auront expirés, tout ça pour que l’un de nous deux revienne tout seul en bus déposer les dossiers et poireauter jusqu’à ce que nos passeports soient réellement revêtus du tampon « magique ». Nous positivons en nous disant qu’au moins, nous avons une solution de secours…
Etape moins envoûtante, la visite à l’Ambassade de France, où l’on nous déconseille vivement de traverser l’Arabie Saoudite, notamment à cause des fanatiques religieux qui ne voient pas d’un bon œil les « infidèles » qui osent fouler le sol de leur territoire saint. Tout cela nous trouble et nous décourage, d’autant que nous avions pensé à remonter par l’Iran et que l’on nous annonce que c’est une très mauvaise idée étant donné la situation délicate liée au sujet du nucléaire… Nous voilà coincés sur la péninsule arabique : la bonne affaire ! Qu’à cela ne tienne, nous décidons malgré tout de lancer la démarche pour les visas. Le consul saoudien est adorable : après discussion, il nous fait « cadeau » des deux semaines de délais pour le courrier d’autorisation qu’il aurait dû envoyer au Ministère des affaires Etrangères saoudiens. En déposant notre demande aujourd’hui, auprès d’un bureau de transcription en ville, nous pouvons espérer récupérer nos passeports dès demain ! Le moral remonte au beau fixe ; ce doit être le signe que nous ne devons pas renoncer à cette traversée !
Le lendemain, ils se sauvent, mais nous invitent à nous baigner dans la piscine de la résidence, en attendant que nos visas soient prêts : trop chouette ! Lorsque nous débarquons au bureau, la secrétaire nous annonce que nous retrouverons son collègue et nos passeports … à la station-service voisine ! Quelle drôle d’idée, cela ne fait pas très sérieux. Mais Amar est bien là, avec nos passeports et les visas. Seul hic : ils se sont plantés sur la destination : ils ont écrit sur nos visas que nous allions au Qatar au lieu de la Jordanie ! Du coup, comme c’est le week-end ici, nous devons poireauter jusqu’à samedi au mieux, et lundi au pire, pour qu’ils annulent l’ancien visa et nous en délivrent un nouveau, sur lequel nous devrions avoir cinq jours pour le transit au lieu de trois, ce qui ne serait pas un luxe. Nous sommes tout de même un peu partagés sur le bien-fondé de notre future traversée de l’Arabie (cf. les «fanatiques»). Nous allons essayer de prendre contact avec l’ambassade de France en Arabie en janvier, avant de traverser, pour ficeler notre déplacement au plus sûr, voire demander une escorte, ou du moins, une surveillance de la police sur nos lieux de bivouacs.
En attendant, retour au bureau, car notre « ami » Amar s’est volatilisé… Manar, la secrétaire, nous assure qu’elle fera son maximum pour que les visas soient prêts au plus tôt ; Inch’Allah !... Nous passons les trois jours qui suivent sur le parking de la résidence The Wave, à profiter de la piscine, de la proximité du petit supermarket et surtout du temps « libre » qui s’impose à nous pour faire classe régulièrement et aussi entamer de vraies parties de jeux de société en famille ! Le dernier jour, le responsable de la sécurité de la résidence vient nous informer que des résidents, sous-entendu certainement des occidentaux, se sont plaint de notre présence sur le parking, comme quoi ils n’étaient pas venus investir dans un endroit de standing pour avoir sous le nez une bande de « romanos » à roulettes, quoi… Ah, les occidentaux et leur sens de l’accueil de « l’étranger »! Du coup, nous plions bagages, pique-niquons sur la plage et allons passer l’après-midi dans un immense «mall» (centre commercial) en dévalisant le Carrefour (pourtant, Sabine s’était mis un point d’honneur à ne pas craquer …), ce qui est bien pratique, il faut l’avouer, à une semaine de Noël ! Les vœux émis dans la traditionnelle Lettre au Père Noël déposée dans la boîte aux lettres omanaise vont sans doute ainsi pouvoir être exaucés…
Nous prenons congé de nos charmants hôtes, super frustrés de ne pas pouvoir immortaliser notre furtive rencontre, la faute à une batterie d’appareil-photo en rade ! Screu-gneu-gneu, la maman d’Abdallah avait un regard si beau, si perçant avec le gris de ses pupilles et le sourire que traduisaient ses rides… Pas grave, nous imprimons les images dans notre disque dur interne ! Un peu plus loin, dans le village de maisons de type yéménite à deux voire trois étages, en périphérie d’Al-Hamra, des scènes de la vie quotidienne ont été reconstituées. Nous toquons à la porte de Bayt-al-Safa (« la maison de la grosse pierre », en mémoire de l’énorme rocher sur lequel repose cette maison) et suivons le guide qui nous présente la mouleuse de grain, celle qui torréfie le café, celle qui fait les galettes de pain (que nous goûtons et que les enfants dévorent), celle qui tresse les rubans pour décorer les «abeyas» des dames, celle qui récupère l’huile d’une arachide pour en faire un soin cosmétique… C’est très concret et nous permet vraiment d’imaginer comment les choses étaient faites autrefois. La visite se termine avec la dégustation du café torréfié sous nos yeux quelques minutes auparavant, les dattes et l’halwa.
De retour au camion, nous remplissons nos réservoirs au tuyau d’un habitant qui aspergeait le trottoir (il ne pleut pas beaucoup, ici, mais sûrement que la montagne et ses ruisseaux remédie à cette pénurie, vu l’usage non restreint que l’on fait de l’eau…) puis roulons jusqu’à Bahla, dont nous arpentons les rues du souq en plein air en quête de quelque production artisanale, type panier tressé, pour faire des cadeaux. C’est peine perdue…Il faudrait revenir entre 6 heures et 10 heures, et surtout débusquer l’emplacement exact de ce fameux souq artisanal que personne ne sait situer. Le point positif, c’est que nous pouvons nous connecter à internet et envoyer des signes de vie à nos amis et familles ; en ces temps de fêtes, c’est précieux ! Notre dernier trajet nous amène devant le Château de Jabrin, que nous prévoyons de visiter le lendemain.