janvier 2012

   

  
Notre premier jour de l’année 2012 est consacré aux derniers mails et consultations de sites divers pour la suite de notre périple : rien de bien excitant… Nous quittons Dubaï en fin de journée, avec le dîner déjà tout près car Chatou, l’employée de maison des copains, nous aura cocoonés jusqu’au bout !

Nous consacrons quelques jours aux Emirats du nord, beaucoup plus modestes que leur écrasante voisine, Dubaï.

     D’Umm-al-Quwaïn, ce bras de terre d’une dizaine de kilomètres de long sur environ cinq de large, nous verrons : le parking désert du Barracuda Beach Resort (sur lequel nous bivouaquons le premier soir), le village des pêcheurs qui garent leurs bateaux en face de la mangrove et le souq aux poissons où un pêcheur nous donne deux mini-daurades.

  
De Ras-al-Khaimah, nous n’oublierons pas une très belle rencontre avec Ahmad, un Emirati en vacances, qui nous invite chez lui un soir, dans son frais jardin, autour d’un délicieux « nectar de raisin fermenté » provenant de Château-Margaux (!) et nous offre le petit-déjeuner le matin suivant, en compagnie d’un de ses fistons avec lequel Martin et Amélie disputeront de joyeuses parties de foot. Nous verrons : les -prétendues- ruines du Palais de la Reine de Saba à Shamal, perchées tout en haut d’une petite colline, d’où le panorama sur la mer et les montagnes environnantes était carrément chouette ; puis, le fort de Dhayah, avec ses deux tours en torchis, et qui offre une jolie vue ; et enfin, le désert de pierres du Wadi Bih, dont nous ne pûmes accéder aux bassins naturels à cause de la frontière omanaise toute proche mais fermée. Il y avait là un de ces trafics d’eau potable… des camionnettes chargées de réservoirs énormes croisaient notre route toutes les dix minutes !
 
  A Sharjah, nous avons fait plus ample connaissance avec les habitants de la Mer d’Arabie et de l’Océan Indien, grâce au superbe et pédagogique Aquarium situé dans la lagune de Khan : avec ses bassins ouverts, observables de plusieurs points de vue différents (à travers la vitre sur le côté ou par-dessous, par au-dessus en traversant sur un pont,…), il nous a offert de voir des tortues marines, des requins, des raies, des rascasses, des poissons Napoléon, des murènes, des poissons multicolores, des crabes, des coquillages, bref : un festival de formes et de couleurs frétillant dans l’eau ! Les enfants ont a-do-ré !

   

  
De Dubaï, où nous avons fait une dernière escale avant de mettre définitivement le cap à l’Ouest, nous retiendrons avant tout le chaleureux-généreux-spontané accueil de Julien, le cousin de Sabine, d’une part, de Julie et Benoît (sans oublier Chatou), et de Jean-Claude et Nelli -par extension- d’autre part. Dire que nous n’avions prévu que quelques jours de transit dans cette capitale de la démesure… C’était sans compter l’aspect humain des (re)trouvailles, du partage des bons et magiques moments (notamment ceux de Noël), qui ne sont évoqués dans aucun guide touristique, mais qui nous ont permis de nous ressourcer affectivement. Côté « visites », nous restons perplexes devant Burj-al-Arab, cet hôtel de luxe en forme de voile de bateau et construit sur une île artificielle reliée à la terre ferme par une passerelle… La plage devant laquelle nous nous arrêtons semble appartenir à un autre monde, elle-aussi : fréquentée par des touristes visiblement aisés, portant des maillots très échancrés (enfin, pour les femmes !), faisant les « quéqués » au guidon de jets-ski ou de pédalos aux couleurs flashy… En fait, c’est peut-être nous qui sommes décalés ?... En tout cas, cet étalage ne nous fait aucunement envie.
    Autre curiosité : le Mall of Emirates, ce gigantesque entre commercial qui abrite une piste de ski, un télésiège, des pistes de luge, une piste « Piou-piou », et où l’on vous loue des doudounes modèle « dishdasha » pour braver le
s cinq degrés annoncés sur le panneau de l’entrée! Assez invraisemblable, mais très fréquentée !

    Nous ne pouvions pas quitter Dubaï sans jeter un œil sur l’invention la plus spectaculaire du coin : la Palme Jumeirah. Il s’agit d’un ensemble d’îlots artificiels agencés en forme de branches de palmiers partant d’un axe central (le tronc) et accueillant des résidences privées de luxe. Mais le plus saisissant, c’est cet énorme hôtel, l’Atlantis, accessible par un tunnel sous-marin d’un petit kilomètre et disposant de centaines de chambres avec vue imprenable sur la mer, à l’extrémité de ce complexe… Ici, on mise vraiment sur un tourisme de masse et de luxe. C’est d’ailleurs comme cela que l’avenir est envisagé, une fois que les réserves de pétrole ne suffiront plus à assurer les revenus de Dubaï… D’ailleurs, au moins cinq chantiers d’hôtels de grand standing sont en cours sur le croissant ouest, où il fait bon bivouaquer, il est vrai.


  
Notre périple change de cap à partir de là : direction l’ouest, désormais ! Adieu 4x4 blancs trop propres, gratte-ciels aux designs plus tarabiscotés les uns que les autres, avenues gigantesques et centres commerciaux aux enseignes occidentales où l’on trouve tout et à toute heure du jour et de la nuit… La ville d’Abu Dhabi, pourtant capitale des Emirats, nous permet une transition en douceur vers une société plus simple, voire primaire (au sens épuré du terme) qui nous attend désormais. En effet, même ses gratte-ciels sont à taille humaine : son développement s’est fait à l’horizontal, et non à la verticale comme à Dubaï. Cet émirat est constitué de plus de deux cents îles, et Abu Dhabi est elle-même reliée à la terre ferme par un pont. Nous longeons l’avenue de la Corniche, qui dévoile peu à peu la mer et où l’on aperçoit les familles se balader en espèce de « quads » à roulettes et à pédales. Nous faisons un petit tour au Village du Patrimoine, où sont présentés diverses tentes de bédouins, un dromadaire, un cheval, et des étals d’objets artisanaux… Depuis la plage, nous admirons toutes sortes d’embarcations traditionnelles qui tirent des bords dans la baie d’Abu Dhabi, avec les gratte-ciels en toile de fond : cela laisse songeur ! Le lendemain, nous visitons l’Emirates Palace, un hôtel luxueux ouvert au public, et qui s’étend sur des dizaines d’hectares, avec terrains de tennis, de football, piscines et accès privé à la mer. Les matériaux utilisés dans le bâtiment sont très raffinés, dans les tons de sable (enfin, beige, quoi !), et à l’extérieur : fontaines, bosquets et fleurs explosant de couleurs !           
 
  L’après-midi, après avoir sillonné le quartier dédié aux pièces détachées de voitures (un tout autre contexte !) en quête d’un filtre à huile et d’huile pour la vidange du camion, nous nous laissons charmer par la Grande Mosquée Zayed, immaculée, dont les colonnes et le pavement sont incrustés de marbres de couleurs taillés en motifs floraux. D’immenses bassins au fond indigo cernent le bâtiment et, à l’intérieur, dans la principale salle de prière, un immense tapis décoré lui-aussi de fleurs, tissé à la main et assemblé sur place, recouvre le sol. Aux murs, les quatre-vingt dix-neuf noms d’Allah sont écrits en calligraphie kufique*. Seule faute de goût : l’énorme lustre qui pend sous la coupole : certes, il est recouvert de cristaux de Zvarovski, mais dans des couleurs super criardes (rouge, vert pomme et jaune) qui lui confèrent un aspect un peu vulgaire et peu raffiné. C’est dit. Le troisième jour, nous arpentons les allées désertes du Parc Khalifa, sous un soleil de plomb, mais sommes un peu déçus car il était annoncé dans le guide comme le jardin à voir dans la capitale, et même s’il est très bien entretenu (si bien entretenu que nous ne pouvons pas voir les fontaines car elles sont toutes en cours de manutention…), il manque cruellement de fantaisie. Cela n’empêche pas Inès, Martin et Thierry de disputer une partie de backgammon sur un banc, à l’ombre, pendant qu’Amélie a entrepris de nettoyer, à la main, le fond des coursives de fontaines ! A côté de cela, nous expérimentons la grande gentillesse de l’agent de la sécurité qui autorise Sabine à s’installer dans le bureau de vente des tickets pour pouvoir profiter de la connexion internet du Parc !


    Une fois les mails récupérés, nous mettons le cap vers le sud. L’autoroute qui traverse le désert est toute neuve : ce long lacet de goudron noir tranche sur le orange des dunes de sable de l’oasis de Liwa et ses surprenantes taches vertes au milieu du désert, où les hommes cultivent une foule de variétés de légumes (carotte, chou-fleur, etc.), mais aussi des palmiers-dattiers à foison ! Ces cultures sont possibles grâce au pompage d’une rivière souterraine qui alimente la zone sur une centaine de kilomètres. Au loin, nous distinguons des stations de pompage de pétrole et des lignes à haute tension qui dénaturent vraiment le paysage. Il y a aussi ces « lotissements » de baraquements type « Algeco » où sont logés les travailleurs immigrés qui travaillent ici. On devine des conditions de vie plutôt
précaires et peu confortables…

   

  
Dans un premier temps, nous nous aventurons sur la portion Est de l’oasis, sur la route qui mène à Hamim. Alors que nous galérons pour trouver un endroit où faire le plein des réservoirs d’eau, nous nous adressons à un ouvrier qui semble s’occuper de l’entretien de la mosquée du village : il nous laisse volontiers utiliser son tuyau, mais nous demande un billet : c’est la première fois que l’on nous fait payer pour l’eau! Apparemment, ici, les familles font remplir leurs réservoirs privés par un camion-citerne ambulant. D’ailleurs, nous avons du linge à laver, mais dans ce contexte, il va peut-être falloir remettre à plus tard… A moins que… Un peu plus loin, nous avisons un de ces camion-citerne justement en train de s’approvisionner à un puits; le chauffeur, un Syrien, ne voit aucun inconvénient à remplir notre bidon et son acolyte, un Bangladais, se met aussitôt à brasser nos affaires sous le jet puissant qui sort de la citerne : trois rinçages, s’il-vous plaît ! Et avec le sourire ! Quelle chance nous avons !
Après avoir atteint le début de la portion ouest, nous passons une nuit au pied de Tal Mireb, une dune de trois cents mètres de haut qui sert de terrain de jeux à des fous du volant chaque année : en effet, nous arrivons juste après un long week-end de
festivités qui tournent autour d’un concours de « grimpage » de dunes à dos de 4x4 ! Heureusement pour nous, tous les concurrents sont repartis, et nous pouvons tranquillement nous rouler dans le sable fin au coucher du soleil, puis chanter des chansons scoutes autour d’un petit feu improvisé avec les morceaux de bois ramassés sur les restes de foyers découverts dans les dunes (à côté d’autres restes, beaucoup moins sympathiques, de plastiques, emballages alimentaires et canettes…) : le pied, quoi !


    Le matin, Thierry, Martin et Amélie profitent une dernière fois de cet immense aire de jeux qu’est le désert, tandis qu’Inès et Sabine mettent un peu d’ordre dans le camion, et c’est parti pour un autre tronçon d’autoroute tout neuf, toujours cerné par le sable. Nous faisons une halte dans un élevage de dromadaires, où Ahmad nous présente ses bestiaux destinés à la course. Le long de la route, des dromadaires, toujours des dromadaires… Une fois sur la côte, les dunes cèdent le pas à la rocaille plate, sur des kilomètres. Impossible de bifurquer pour aller nous poser sur la plage. Du coup, nous arrivons à Al-Sila, dernière ville avant la frontière avec l’Arabie Saoudite. Nous bivouaquons sur le parking du parc municipal, dont nous arborons les allées verdoyantes le lendemain matin, avant de nous mettre en quête de cette fameuse huile pour la vidange du camion, que Thierry veut absolument faire faire avant la traversée expresse de l’Arabie, où nous n’aurons que trois jours pour avaler les deux mille kilomètres qui nous séparent de la Jordanie. C’est finalement au port que nous trouvons notre presque-bonheur : ils ne vendent pas les lubrifiants qui résistent au froid, voire au gel (et pour cause) mais il est plus prudent de renouveler l’huile maintenant. Deux Bangladais exécutent la manœuvre en un quart d’heure, et voilà un chauffeur soulagé !

    Nous retournons dans la rue principale d’Al-Sila en caressant l’espoir d’y trouver un café internet, mais en vain. Par contre, un vendeur de téléphones mobiles nous propose de nous connecter à l’arrière de sa boutique, dehors, en tirant un câble… Echec ! C’est alors qu’un autre vendeur intervient, qui finit par nous inviter carrément à déjeuner chez lui pour pouvoir surfer, étant donné que cela ne fonctionne pas vraiment ainsi. Habib, qui est syrien, habite un peu plus loin et nous présente sa femme, Syrine, qui se met en cuisine dès notre arrivée. Leurs deux filles aînées, Liqa et Do’a, arrivent de l’école, et nous voilà tous rassemblés autour du plat familial, où nous ont rejoint les deux petits garçons, Mohamed et
Seif. Le plat est composé de riz et de viande de mouton assortie de légumes : un délice ! Après le repas, Syrine explique à Sabine comment nouer le foulard pour qu’il soit bien ajusté pendant notre virée saoudienne, et elle lui donne son foulard ! Lorsque nous partons, les filles offrent en outre à Inès et Amélie un grand sac rempli de barrettes, chouchous et autres serre-tête. C’est vraiment le monde à l’envers ! Avant la tombée du jour, nous nous rendons sur le port, y faisons le plein d’essence et d’eau auprès de pêcheurs bangladais et égyptiens, avec qui Amélie dispute une super partie de foot : ils tombent sous le charme… Dernière bouffée d’oxygène : une virée au parc, où nous sommes assaillis par les enfants venus se rafraîchir avec leurs mères (le jeudi est réservé aux femmes dans ce parc) et qui voudraient bien tout savoir sur nous. D’ailleurs, nous y retrouvons Syrine et ses enfants, qui font les malins devant les autres parce que eux, ils nous ont eus carrément en chair et en os dans leur maison à midi,! Ce soir, pas de folie car nous comptons passer la frontière le plus tôt possible demain matin, afin de pouvoir rouler ensuite un maximum avant
le coucher du soleil.


    Le réveil est fixé à 6h30, heure à laquelle le jour se lève. Pendant trois jours, seul Thierry va conduire. Il est plutôt détendu, c’est un bon départ. Nous arrivons au poste-frontière vers 8 heures, il fait beau mais pas trop chaud. Le petit-déjeuner est avalé pendant que les passeports reçoivent leur tampon de sortie, puis vient le moment d’entrer sur le territoire saoudien. Thierry a camouflé la Bible et le reste de saucisson derrière une planche, Sabine a revêtu son abeya** noire (brodée de fleurs multicolores parce que le noir, non vraiment, elle n’aime pas ça) et noué son foulard noir bien ajusté en prenant soin de dissimuler les cheveux et hop, là ! nous sommes prêt pour le contrôle éventuel de l’intérieur du camion. C’était bien la peine : l’officier demande le numéro de châssis, vérifie la plaque d’immatriculation, entre serrer la main aux enfants avec un large sourire, puis nous souhaite bon voyage, tout bêtement ! En à peine une heure et demie, nous changeons de pays. Le seul hic, c’est que notre numéro de plaque ne rentre pas dans les cases de l’imprimé de l’officier, qui nous fait patienter cinq minuscules minutes, le temps de s’entretenir avec sa hiérarchie sur la marche à suivre…


*kufique : écriture utilisée par les Arabes pour calligraphier le Coran

ou pour graver les pierres des monuments et des monnaies au début de l’hégire

(ère des Musulmans qui commence en 622, année où Mahomet dut se réfugier à Médine).

**abeya : longue robe noire portée par les femmes musulmanes

 

18 Emirats Arabes Unis / fin