janvier 2012
Nous consacrons quelques jours aux Emirats du nord, beaucoup plus modestes que leur écrasante voisine, Dubaï.
D’Umm-al-Quwaïn, ce bras de terre d’une dizaine de kilomètres de long sur environ cinq de large, nous verrons : le parking désert du Barracuda Beach Resort (sur lequel nous bivouaquons le premier soir), le village des pêcheurs qui garent leurs bateaux en face de la mangrove et le souq aux poissons où un pêcheur nous donne deux mini-daurades.
Nous ne pouvions pas quitter Dubaï sans jeter un œil sur l’invention la plus spectaculaire du coin : la Palme Jumeirah. Il s’agit d’un ensemble d’îlots artificiels agencés en forme de branches de palmiers partant d’un axe central (le tronc) et accueillant des résidences privées de luxe. Mais le plus saisissant, c’est cet énorme hôtel, l’Atlantis, accessible par un tunnel sous-marin d’un petit kilomètre et disposant de centaines de chambres avec vue imprenable sur la mer, à l’extrémité de ce complexe… Ici, on mise vraiment sur un tourisme de masse et de luxe. C’est d’ailleurs comme cela que l’avenir est envisagé, une fois que les réserves de pétrole ne suffiront plus à assurer les revenus de Dubaï… D’ailleurs, au moins cinq chantiers d’hôtels de grand standing sont en cours sur le croissant ouest, où il fait bon bivouaquer, il est vrai.
Le matin, Thierry, Martin et Amélie profitent une dernière fois de cet immense aire de jeux qu’est le désert, tandis qu’Inès et Sabine mettent un peu d’ordre dans le camion, et c’est parti pour un autre tronçon d’autoroute tout neuf, toujours cerné par le sable. Nous faisons une halte dans un élevage de dromadaires, où Ahmad nous présente ses bestiaux destinés à la course. Le long de la route, des dromadaires, toujours des dromadaires… Une fois sur la côte, les dunes cèdent le pas à la rocaille plate, sur des kilomètres. Impossible de bifurquer pour aller nous poser sur la plage. Du coup, nous arrivons à Al-Sila, dernière ville avant la frontière avec l’Arabie Saoudite. Nous bivouaquons sur le parking du parc municipal, dont nous arborons les allées verdoyantes le lendemain matin, avant de nous mettre en quête de cette fameuse huile pour la vidange du camion, que Thierry veut absolument faire faire avant la traversée expresse de l’Arabie, où nous n’aurons que trois jours pour avaler les deux mille kilomètres qui nous séparent de la Jordanie. C’est finalement au port que nous trouvons notre presque-bonheur : ils ne vendent pas les lubrifiants qui résistent au froid, voire au gel (et pour cause) mais il est plus prudent de renouveler l’huile maintenant. Deux Bangladais exécutent la manœuvre en un quart d’heure, et voilà un chauffeur soulagé !
Le réveil est fixé à 6h30, heure à laquelle le jour se lève. Pendant trois jours, seul Thierry va conduire. Il est plutôt détendu, c’est un bon départ. Nous arrivons au poste-frontière vers 8 heures, il fait beau mais pas trop chaud. Le petit-déjeuner est avalé pendant que les passeports reçoivent leur tampon de sortie, puis vient le moment d’entrer sur le territoire saoudien. Thierry a camouflé la Bible et le reste de saucisson derrière une planche, Sabine a revêtu son abeya** noire (brodée de fleurs multicolores parce que le noir, non vraiment, elle n’aime pas ça) et noué son foulard noir bien ajusté en prenant soin de dissimuler les cheveux et hop, là ! nous sommes prêt pour le contrôle éventuel de l’intérieur du camion. C’était bien la peine : l’officier demande le numéro de châssis, vérifie la plaque d’immatriculation, entre serrer la main aux enfants avec un large sourire, puis nous souhaite bon voyage, tout bêtement ! En à peine une heure et demie, nous changeons de pays. Le seul hic, c’est que notre numéro de plaque ne rentre pas dans les cases de l’imprimé de l’officier, qui nous fait patienter cinq minuscules minutes, le temps de s’entretenir avec sa hiérarchie sur la marche à suivre…
*kufique : écriture utilisée par les Arabes pour calligraphier le Coran
ou pour graver les pierres des monuments et des monnaies au début de l’hégire
(ère des Musulmans qui commence en 622, année où Mahomet dut se réfugier à Médine).
**abeya : longue robe noire portée par les femmes musulmanes