février 2012
Après deux heures passées au poste jordanien à cause d’un papier d’assurance qui nous manque pour le camion, nous passons au poste israélien, dont nous nous souviendrons longtemps… En premier lieu, on nous accueille fusil-mitrailleur en bandoulière et talkie-walkie en marche. Très vite, nous entrons dans le vif du sujet : il nous faut vider intégralement le contenu du camping-car afin que toutes nos affaires soient passées au scanner et que le camion soit lui-même ausculté dans un atelier spécial ! On nous fournit gentiment des caddies et de grands sacs transparents, où nous entassons tout notre bazar : un peu éprouvant comme activité… Ce qui nous surprend beaucoup, c’est la sensation d’être transparents aux yeux des touristes-piétons qui passent devant nous. Après quatre mois dans les pays où tout le monde vous salue et s’inquiète de savoir si vous ne manquez de rien, cela fait bizarre. Le point positif, c’est que nous nous rendons compte lors de ce déballage que nous n’avons pas emporté tant de choses superflues. Pendant que nos flacons de shampoing et autres liquides sont testés chimiquement un à un (des fois qu’on transporterait du TNT !), Sabine s’acquitte de l’assurance du camping-car : un bon petit budget !
Dernier challenge : tout ranger avant vingt heures, car le poste-frontière ferme. Heureusement, après
ce marathon, nous sommes autorisés à bivouaquer juste de l’autre côté de la barrière : pas besoin de chercher en plus un endroit pour passer la nuit. Nous nous congratulons de notre courage et de notre patience (surtout les enfants !) en nous offrant une bonne glace au dessert, puis goûtons au repos
bien mérité.
Station balnéaire très semblable à celles de notre Côte d’Azur, Eilat nous prend aux tripes : tous ces hôtels luxueux, ces yachts amarrés dans la marina, ces magasins de produits raffinés, ces jeunes femmes aux décolletés plongeants et aux shorts très courts nous choquent tant le contraste est brutal entre la Jordanie, modeste et pudique, et ce nouveau pays finalement très occidental dans sa manière de vivre. Et puis toujours cette indifférence… Non pas que nous soyons des VIP, mais la convivialité jordanienne nous manque déjà ! C’est pourquoi, après avoir récupéré quelques cartes et documents touristiques au Centre d’Informations, nous mettons vite les voiles vers le désert, afin de nous rendre plus au Nord, à Haïfa. En effet, nous devons impérativement savoir quel bateau pourra nous débarquer en Turquie ou à Chypre, à quelle date et dans quelles conditions.
Nous longeons la vallée de l’Arraba, dont nous connaissons déjà la version jordanienne. Ici, les exploitations (bananiers, palmiers, élevages) sont plus grosses et plus ordonnées… Plusieurs kibboutz (exploitations agricoles où les travailleurs sont également logés, nourris et blanchis) jalonnent la route. Petit à petit, les cultures cèdent la place au désert de montagnes, puis de cailloux. Une fois la région du Mitzpe Ramon (un cratère au milieu de nulle part) dépassé, les zones fertiles réapparaissent au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la côte méditerranéenne. La verdure des champs de colza nous saute aux yeux : cela change des dégradés de bruns-beige des pays précédents, plus arides ! En plus, il se met à pleuvoir…
Haïfa
Capharnaüm et le lac de Tibériade
Plus tard, nous visitons le site de Tabgha, où se trouvent la basilique primatiale de Saint-Pierre (à qui Jésus avait confié l’Eglise naissante) et l’église de la Multiplication des Pains et des Poissons (en référence à l’épisode où Jésus, voulant nourrir une foule immense qui s’était rassemblée autour de lui au bord du lac pour l’écouter, avait multiplié quelques pains et poissons).
Nazareth
Haïfa (2ème visite)
Nous retrouvons notre bivouac, à proximité du port mais au calme. Dommage, la connexion que nous avions attrapée il y a deux jours ne fonctionne plus… Dès le lendemain matin, Sabine retourne dans les agences, ouvertes cette fois. Chez Allalouf Shipping and Co, les employés sont très serviables, mais ne proposent des traversées que pour le camion… Retour chez Rosenfeld et : ouf ! Bonne nouvelle, il existe un ferry qui dessert l’île de Chypre, deux fois par semaine, en dix heures! Non seulement nous pourrons voyager sur la même embarcation que le camion, mais en plus nous serons logés en cabine pour la nuit de traversée et nourris le soir et le matin suivant. Alicia photocopie nos passeports et les papiers du camion, comme ça nous n’aurons qu’à lui envoyer un mail pour confirmer la date à laquelle nous souhaitons voyager et elle pourra directement enregistrer notre réservation. Nous faisons un petit tour sur les hauteurs d’Haïfa, histoires d’admirer le ballet des cargos au large et la multitude de paraboles et de panneaux solaires entassés sur les toits des immeubles. Nous mettons ensuite le cap au sud, en longeant la Mer Méditerranée, déchaînée. Entre la plage et l’autoroute, s’étendent de longues bandes de terres pour les cultures, souvent sous serres.
Césarée fut autrefois l’une des grandes cités de l’Antiquité, rivalisant avec des ports antiques tels qu’Alexandrie ou Antioche. Nous choisissons d’aller déjeuner devant l’aqueduc romain qui longe la mer puis d’aller jeter un œil au magnifique site archéologique, lui aussi en bord de mer.
Netanya
L’avantage de voyager hors saison, c’est que l’accès aux plages n’est pas encore payant ! Du coup, nous nous pouvons nous rapprocher de la mer pour bivouaquer sur un parking à moitié envahi par le sable. A notre réveil, nous allons tâter le sable et la température de l’eau, un peu fraîche. Dans notre dos se dressent des immeubles modernes et de grandes avenues ; une ville balnéaire classique, quoi.
Nous arrivons en fin de journée dans la majestueuse cité multi-confessionnelle. Bien que l’endroit soit déconseillé le soir et la nuit, nous nous installons au-dessus du cimetière juif, sur le Mont des Oliviers. Nous avons le temps d’aller visiter l’Eglise du Pater Noster, dans laquelle est inscrite la prière du Notre-Père dans toutes les langues. Ensuite, nous descendons jusqu’à la Basilique de l’Agonie et le Jardin de Gethsémani, avec ses oliviers bi-millénaires! Puis nous rentrons dans notre cabane à roulettes. La vue sur Jérusalem est magnifique, surtout lorsque le soir descend et que les lumières s’allument dans la vieille ville !
Quelques kilomètres seulement séparent Jérusalem de Bethléem, qui se trouve en Cisjordanie, c'est-à-dire en territoire palestinien. Pour nous y rendre depuis Jérusalem, nous empruntons une petite route absolument pas touristique et traversons un village, visiblement un camp de réfugiés. A notre passage, une nuée d’enfants nous lancent un «shalom» (bienvenue). Sans se méfier, Thierry leur répond de même… et aussitôt nous entendons deux porcs dans la carrosserie : c’était un «test-piège», dans lequel nous sommes tombés. Ils nous ont sûrement pris pour des sympathisants pro-israéliens et nous ont montré leur désagrément…
Au cours de notre visite, notre guide nous présente une religieuse française, Sœur Marie-Geneviève, qui nous accompagne sur une autre colline de la ville, au Séminaire des Franciscains, où nous pourrons assister à la Messe des Cendres. Elle est dite en arabe, mais nous sommes heureux de pouvoir entrer dans le Carême «officiellement». A la sortie de la messe, le Père Gabriel, un prêtre argentin en mission ici, s’occupe de nous aider à trouver de l’eau dans le bâtiment et nous montre où nous garer dans l’immense cour devant l’église. Voilà un bivouac rassurant. Une heure après nous avoir laissés, il revient nous voir, les bras chargés de cadeaux : pendentifs à l’effigie de Marie, porte-clefs et aimant en forme de croix de Jérusalem, petits caramels et bouteille de vin ! C’est un peu Noël pour un mercredi des Cendres… Nous le retenons avec nous pour le dîner et passons une excellente soirée en sa compagnie. Non content de nous avoir tant gâtés, il accompagne ensuite Thierry à la bibliothèque pour qu’il puisse consulter internet.
Après une bonne nuit, nous sommes d’attaque pour le passage de frontière. Là encore, les douaniers sont armés jusqu’au cou et à peine aimables… Lorsque nous demandons confirmation quant à la délivrance du visa égyptien directement à la frontière, le douanier commence à médire sur les Egyptiens, et les Arabes en général, en disant qu’on ne peut pas leur faire confiance, que ce que nous a dit l’Ambassade à Amman sera peut-être différent de ce qui se pratique sur le terrain, ici, etc. Bref, en gros, il ne sait pas si oui ou non nous pourrons avoir nos visas de l’autre côté de la barrière et nous renvoie au Consulat d’Egypte, dans Eilat. Comme nous ne voulons pas risquer d’avoir à repasser la frontière israélienne dans l’autre sens si effectivement les visas ne s’obtiennent pas là, nous rebroussons chemin et nous hâtons de nous rendre au consulat afin de déposer nos dossiers, qui seront près deux heures plus tard, juste le temps pour nous d’aller retirer de l’argent en ville et de pique-niquer. Deux Allemands, Wolfgang et Mickaël, attendent aussi leurs visas. Ils voyagent à pieds jusqu’en Afrique du sud et nous demandent de les rapprocher de la frontière, ce que nous faisons bien volontiers après avoir partagé un café et récupéré nos précieux papiers.