fin octobre 2011

    KASHAN

    Nous découvrons cette ville par un quartier étonnamment calme : celui des maisons traditionnelles patriciennes. Il y a même un parking vide à proximité ! C’est pourquoi nous allons d’abord déambuler dans le Bazar, quasi-vide pour cause de veille de vendredi (nous commençons  à être des pros des bazars déserts !), à l’autre bout de la ville… Nous admirons tout de même au passage la magnifique et inhabituelle Mosquée Agha Bozorg, dont la cour est en contrebas et accueille une medersa pour jeunes gens. Elle inspire d’ailleurs tout de suite les p’tits loups, qui prennent place dans l’une des niches latérales et se mettent à dessiner ce que leur inspire ce beau monument. Malgré le ciel couvert, la maison traditionnelle Tabatabei nous attire et impressionne de par le raffinement de son architecture et de ses décorations, ainsi que l’atmosphère paisible qui s’en dégage. Nous visitons
ensuite le Hammam du Sultan Mir Ahmad, superbe exemple de bains publics iraniens, désormais transformé en maison de thé. Ce qui nous plaît le plus, c’est de monter sur les toits bombés recouvrant les coupoles intérieures et agrémentés de cloches en verre qui captent la lumière du jour et la restituent dans les différentes pièces du bâtiment ! En plus, le soleil commence à décliner sur fond d’appel à la prière mélodieux : quelle ambiance ! On joue au loup un moment entre les "bosses ", oubliant totalement les consignes du gardien qui nous avait demandé de bien veiller sur nos enfants et d’être prudents… mais qu’est-ce qu’on s’amuse ! En sortant, nous demandons où se trouve la boulangerie la plu
s proche et la trouvons dans une ruelle discrète. Les boulangers (ils sont nombreux pour la "rush hour") trop contents de montrer aux enfants les différentes étapes de fabrication de leurs fines galettes, nous offrent celles que nous avions commandées ! Bien sûr, nous ne lésinons pas sur la séance-photos, car ils sont demandeurs et espèrent sans doute que nous les montrions à nos amis, ce que nous ferons avec plaisir dès que nous aurons débusqué la formule magique qui permet cette opération "via internet ", sans filtres ni censure…

   

    Nous gagnons la périphérie de la ville pour établir notre bivouac derrière un énorme hôtel semi-luxueux, où l’on nous accueille très cordialement. Le plus grand luxe, c’est de pouvoir nous connecter à Skype dans le camping-car et d’appeler en France, pour la première fois depuis notre départ : Grand-Père François et Grand-Mère Valou sont au rendez-vous ! Inès et Martin, que l’on croyait endormis, bondissent de leurs plumards et se hâtent de raconter plein de trucs à leurs grands-parents adorés (qu’ils voyaient au moins une fois par semaine d’ordinaire, avant le voyage…). C’est trop rigolo de se voir dans la caméra, même si l’image n’est pas d’une qualité extraordinaire. Nous ne parvenons en revanche pas à sortir Amélie du sommeil qui l’engourdit… Ce sera pour une prochaine fois. Bien entendu, comme nous pouvons utiliser Internet en illimité, nous passons une longue partie de la soirée à consulter nos mails et à y répondre… Nous jetons également un œil sur le site français du Ministère des Affaires Etrangères afin de vérifier que rien de spectaculaire ni dangereux ne se passe dans le pays en ce moment, puis finissons par nous coucher.

   

    Au milieu de la nuit, allez savoir pourquoi, Sabine se réveille et regarde par le fenestron : surprise ! Nos amis "Cyclope" sont garés juste à côté de nous, sans que nous nous soyons donné un quelconque rendez-vous… Ce sont les enfants – en plus de nous – qui vont être contents demain matin ! Cela ne rate pas : l’excitation est là ! Sur le parking, Simon, Martin et Amélie patouillent avec un seau d’eau, de la terre et de la paille, tandis qu’Hersilia et Inès papotent, laissant Léandro travailler dur. S’ensuit une longue séance de "classe" pour tous, puis un échange d’enfants pour le déjeuner. L’après-midi, nous partons nous balader dans le Parc Fin,
juste à côté, dont une jeune femme désireuse de converser avec nous en anglais nous offre l’entrée. Elle nous pose des questions sur notre mode de vie, puis nous quitte, contente d’avoir pu mettre en pratique ce qu’elle avait appris en cours. Le parc est très agréable : une source alimente d’immenses bassins rectangulaires ponctués de petits jets naturels, les cyprès procurent de l’ombre et jalonnent les chemins, et le mur d’enceinte accueille, sur toute une longueur, un hammam.

    Le soir, le deuxième épisode de contact par Skype, avec des amis et leurs enfants cette fois-ci, se solde par un énorme coup de blues chez Inès et Martin, qui ont envie de retrouver leur maison, leurs chambres, leurs jeux, leurs copains-copines, grands-parents et famille … Nous savions que cela pourrait arriver, mais cela nous serre un peu le cœur de sentir un si gros chagrin. Nous essayons de relativiser le temps qu’il reste avant de rentrer (pas évident : nous ne sommes partis que depuis 2 mois !) et mettons en perspective tout ce qui nous reste de merveilleux et d’exceptionnel à voir et à faire. Ah ! si les câlins n’existaient pas, nous serions bien démunis… Le lendemain, en partant, nous dévalisons un "grand" supermarché dans lequel, pour la première fois, les gens ne sont ni aimables ni souriants. Cela dénote de ce à quoi nous étions habitués jusqu’à présent !

Une longue route nous attend, sur fond de steppes  quasi-désertes au pied des montagnes. Nous testons un nouveau pain, type "crackers" avec graines de cumin incrustées, mais de la taille d’un oreiller ! Facile à ranger, quoi ! En tous cas, délicieux.


   ISPAHAN*

    Nous découvrons Ispahan-La-Magnifique de nuit, accompagnés par un "local " qui nous emmène jusqu’au Parc Ghadir, un peu excentré, que nous ont recommandé les copains Cyclope. C’est impeccable comme lieu de bivouac : parking en lisière d'un parc boisé avec bassins, WC à proximité, eau à disposition : bref, nous sommes gâtés ! Les Cyclope débarquent d’ailleurs quelques heures plus tard, ce qui nous ravit. Ce n’est que le début, car la découverte de la ville en elle-même n’a pas fini de nous enchanter ! Le premier jour, nous gagnons le centre en taxi, mais ensuite, nous essaierons le bus (hommes à l’avant, femmes et enfants à l’arrière), bien sympa malgré la ségrégation. Au menu de notre enchantement :

    La Place de l’Imam, immense rectangle entouré de bâtiments accueillants des commerces (tapis, faïences, cuirs, marqueterie,…) et agrémenté de pelouses et de deux bassins. A une extrémité domine la Mosquée de l’Imam, imposante et très décorée (céramiques à dominante bleu indigo, ponctuées de jaune et de rouge, dalles turqu
oises), puis dans la longueur, le Palais Ali Qapu, de six étages dont un avec terrasse qui permettait au Shah d’observer ses administrés et surtout d’assister aux tournois de polo qui avaient lieu sur la place. Au sixième étage, on découvre le salon de musique dont les cloisons et les plafonds sont sculptés en forme d’instruments de musique divers, ce qui procure une excellente acoustique à la pièce. En face, la plus modeste Mosquée Sheikh Loftollah, très raffinée, avec une salle de prière d’hiver, au sous-sol. Les mosaïques sont d’une précision et d’une finesse telles que l’endroit nous enchante. En plus, il n’y a pas d’échafaudage qui gâche le paysage comme dans la Mosquée de l’Imam : chouette ! Pour reprendre des forces, nous nous offrons un petit "luxe" : manger au restaurant sur la place ! Tandis qu’Inès, Martin et Amélie commandent…des frites, nous (les parents) goûtons des spécialités traditionnelles : dizi (ragoût de mouton aux légumes, écrasé et dégusté avec des morceaux de pain trempés dans le jus de viande) et kofteh (boules de viande hachée et riz mélangés servis dans une sauce tomate cuisinée aux épices) : un régal ! Certes, le resto est un peu attrape-
touristes, mais le cadre est plutôt chouette avec ses banquettes installées autour d’une fontaine centrale et un fond de musique locale. La journée n’est pas terminée : nous enchaînons avec la visite du Palais Chehel Sotun "aux quarante colonnes" dans son écrin de verdure et de bassins. En fait, il n’y a que vingt colonnes, en bois cannelé, sur la terrasse, mais lorsqu’elles se reflètent dans l’eau du bassin, on en voit quarante… A l’intérieur, nous admirons des fresques historiques, uniques au monde, qui représentent la vie à la cour du Shah et certaines batailles de l’époque séfévide. S’ensuit une balade dans le Bazar, dans lequel nous pénétrons par la Porte Qeysarieh, et où nous déambulons un peu au hasard.
    Retour au Parc Ghadir en taxi et soirée-crêpes avec nos copains Cyclope : une "salle de restaurant" dans notre camion pour les enfants (qui les dévorent avec un tout-tout petit peu de Nutella… puis passent un bon moment à jouer à des jeux de société ensemble), et une autre dans l’autre camion
pour les adultes, où l’ambiance est plus calme mais pas moins sympathique !


    Le lendemain matin est consacré à l’école en plein air, la lessive (on aime vraiment ça !) et les coupes de cheveux, pour Martin puis Amélie. On pique-nique dans l’herbe, comme le font beaucoup d’Iraniens qui débarquent avec leurs tapis, les cocottes-minute, les galettes de pain, voire les tentes "pop-up " et qui passent ainsi leurs journées de repos ou leurs soirées en famille ou entre amis. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de loisirs en Iran ; on nous a dit que la plupart des gens travaillaient essentiellement pour se nourrir et se payer un toit, mais qu’ils n’ont pas vraiment l’occasion d’avoir des passions ou des hobbies.

    L’après-midi, nous prenons le bus pour nous rendre en ville. Zahra, rencontrée pendant le trajet, nous guide à pied, puis nous empruntons à nouveau le dédale de ruelles du Bazar pour atteindre
l’imposante et magnifique Mosquée Jameh : quatre iwans** ouverts sur la cour, chacun d’un style différent, encadrent l’immense cour intérieure avec son bassin aux ablutions évoquant la Kaaba de la Mecque. La coupole principale est en brique, sobre mais aux proportions parfaites, et les salles de prière ressemblent à des forêts de colonnes, plus ou moins travaillées. Il y a aussi un magnifique minbar (escalier servant de chaire) de quatorze marches, taillé dans la masse d’un unique bloc de marbre : impressionnant ! En rentrant au bivouac, nous admirons l’un des nombreux ponts d’Ispahan qui traversent le fleuve Zayandeh (à sec, faute de pluie), le Pont Khaju, tout illuminé, puis nous empruntons la promenade arborée qui longe les berges pour regagner le Parc Ghadir.
    Matinée "off" pour ce premier jour de novembre : les copains ont déniché une sorte de parc d’attractio
ns au fond du parc, alors c’est fête : trampoline et toboggan gonflable géant ravissent nos chers petits. Même Thierry et Sabine s’y essaient ! L’après-midi, nous sortons de la ville pour aller grimper en haut d’une colline qui abrite les ruines d’un ancien temple du feu zoroastrien, l’Ateskadeh-ye-Esfahan, et d’où l’on peut jouir d’une vue panoramique sur Ispahan, puis nous assistons à un spectacle étonnant et peu commun : les minarets vacillants, construits sur un bâtiment, se mettent à trembler à l’unisson lorsque le gardien secoue l’un d’eux ! Après ce spectacle extra-ordinaire, nous retournons en ville, dans le quartier arménien, pour visiter la Cathédrale de Vank. Les murs sont recouverts de magnifiques fresques relatant des scènes d’Evangile ainsi que des tranches de vie de martyrs (assez éloquent…) et les inscriptions sont en arménien.


    Après une dernière lessive dans le parc Ghadir et un dernier pique-nique avec nos copains Cyclope, nous quittons Ispahan et prenons la direction de Naïn. Nous bivouaquons sur un terrain attenant à un hôtel où le réceptionniste nous enferme à clé, pour notre sécurité, sans doute ?... Le lendemain, tour de la ville ; on nous offre à nouveau le pain frais à la boulangerie (à croire que c’est une tradition !), on nos accompagne dans le quartier de Mohammedia vers les ateliers souterrains (pour rester au frais l’été) des tisserands de poils de chameaux qui fabriquent d’immenses pièces de laines et les assemblent pour en faire des manteaux : ils sont indispensables pour les nomades qui se protègent ainsi du froid nocturne. Ils font aussi des tapis dits « kilims », en poil de chameau et laine de mouton, avec motifs géométriques de couleur. En retournant en ville, nous visitons l’adorable Mosquée Jameh, qui ne comporte ni minaret, ni iwan**, mais qui est ceinte de murs crénelés et entourée de vergers (pistachiers, grenadiers…), irrigués au moyen des traditionnels qanats***. Deux bagdirs insérées dans le mur d’enceinte dominent l’ancienne citerne.



***ISPAHAN a été la capitale de l’Empire perse sous la dynastie des Safavides entre le XVIème et le XVIIème siècle. C’est une «vitrine» de l’architecture et de l’art safavides.


**iwan : salle rectangulaire, close de murs sur trois côtés et ouverte sur le quatrième au moyen d’un vaste porche voûté


***qanat : système d’irrigation souterrain, permettant de récolter les eaux d’infiltration et inventé par le Perses bien avant J.C.

 

11 Iran /

plateau central