décembre 2011

    L’arrivée en Oman : Sohar

    Comme pour tout passage de frontière qui se respecte, nous passons quelques heures au poste de Khatmat Malalah… Côté Emirats, on nous ponctionne d’une taxe de sortie bien grassouillette, puis côté omanais, nous devons nous acquitter d’une assurance locale pour le véhicule, puis remplir des formulaires pour la délivrance du visa et enfin attendre que la borne à carte bleue soit disponible !... Ma foi, il suffit de se préparer psychologiquement, et on finit par prendre le pli ! Nous roulons jusqu’à la ville de Sohar, d
ont nous traversons le quartier des pêcheurs. Le soleil se couche derrière les façades blanches au pied desquelles les familles sont installées sur d’immenses tapis, face à la mer. Les tuniques et les foulards aux couleurs vives des femmes rehaussent le gris du sable et la pénombre du crépuscule. Les jeunes hommes disputent la fin d’un match de foot à la lisière des vagues : c’est beau…


    Bivouac un peu plus loin, sur la plage. Les vagues de la marée montante font un sacré raffut ! Des pêcheurs sont venus s’installer avec leurs filets et leur casse-croûte, pour une partie de la nuit. Des automobilistes s’arrêtent, curieux de notre cabane à roulettes, puis repartent derrière leurs vitres fumées, après nous avoir salués… La matinée qui suit est consacrée au bricolage à base de matériaux de récupération trouvés sur le sable : Martin, aidé de Thierry, construit un voilier en os de seiche avec une voile cartonnée cousue sur le mât-pique à brochettes. Amélie transforme un bout de planche allongé en espadon à qui elle dessine
un œil et une bouche et Inès nous prépare des petites boîtes à surprises en pliages-papier. Un peu moins originales, les séances « ménage » et «couture » dans le camion… Un moment de classe pour couronner le tout, et vous obtenez une délicieuse demi-journée ! De Sohar, nous testons aussi l’immense plage municipale où un cavalier galope à fond les ballons et laisse tomber deux billets de 100 baïzas (soit 0,20 euros !) dans les vagues, et où nous jouons au foot comme les locaux (en nous «collant des boulettes d’or noir dans les crampons»…). Puis, nous découvrons le parc arboré sur le parking duquel nous bivouaquons. Drôle d’idée : c’est l’endroit favori des « quéqués » qui viennent user la gomme des pneus de
leurs super-bagnoles en les faisant crisser sur le bitume bien lisse… Nous, on s’en moque, on dévore nos crêpes dominicales, faites à partir de la recette trouvée dans le manuel de français de Martin le matin même : mais il n’y a pas à tortiller, « elles sont moins bonnes qu’avec la recette de Maman ! »

  

    Ensuite, nous quittons la côte pour une virée dans un coin un peu désertique : grandes plaines de cailloux, dromadaires qui paissent en liberté et wadis (gorges) asséchés. D’ailleurs, avant chaque lit de rivière, un panneau prévient : « si l’eau arrive au trait rouge – du poteau -, arrêtez-vous ! » En effet, lorsqu’il pleut ici, l’eau monte très rapidement et les routes sont coupées. On voit même des pans entiers de bitume complètement arrachés et, vingt mètres plus loin, une nouvelle route construite pour remplacer l’ancienne.

   

    Rustaq

    Lorsque nous arrivons à Rustaq, nous cherchons tout de suite la source d’eau chaude ; elle se trouve à l’extérieur du village et est canalisée dans un énorme bassin autour duquel s’attroupent les gens, qui ne font trempette que du bout des orteils car la température frôle les 50 degrés ! En revanche, le long du canal où s’écoule le ruisseau sont aménagées des cabines afin qu’hommes et femmes puissent profiter de ce jacuzzi naturel en toute intimité. Bivouac au pied de l’imposant fort, malheureusement fermé pour travaux de rénovation…


  
Nakhal

    Du coup, le lendemain, nous mettons le cap sur Nakhal, ville bâtie aux pieds des montagnes et dont le fort est superbement restauré. En outre, il est meublé, ce qui permet de s’imaginer plus facilement la vie telle qu’elle était menée du temps où il servait. Nous escaladons une succession de petits escaliers, menant chacun à un quartier précis de cet imposant édifice construit autour -et sur- un rocher : cuisine, épicerie avec réserves de dattes, chambres multiples (du gouverneur, des garçons, des filles, des femmes), salle de réception, prison, salons d’été et d’hiver, tours de guet (avec palmeraies à perte de vue tout le tour du fort), canons et terrasses. Nous nous régalons durant cette visite !

   

    Après, nous suivons un habitant qui nous mène jusqu’à une autre source d’eau chaude, beaucoup moins canalisée : Ath Thowra. L’eau jaillit des parois rocheuses, elle est récupérée dans des falajs (canaux d’irrigation) et dessert des terrasses naturelles où les gens viennent pique-niquer puis se rincer. En contrebas, elle coule tout naturellement  dans un lit, pas très profond, où l’on peut marcher et même s’asseoir au bord de petites piscines naturelles (nous y ferons d’ailleurs notre lessive…). Si l’on remonte le cours d’eau, on arrive vers un jacuzzi géant, bassin aménagé pour retenir l’eau dès sa sortie des rochers, où l’on peut se plonger entièrement dans une eau à 38-40 degrés ! Thierry et les enfants s’en délectent, tandis que Sabine les regarde, n’osant pas se baigner car il n’y a que des hommes qui barbotent : un peu frustrant… Alors que nous repartons, deux
des jeunes gens qui se baignaient avec nous nous tendent un sac rempli de cinq bouteilles de jus de fruits qu’ils viennent juste d’aller se procurer chez l’Indien du coin (et oui, ici, ce n’est pas l’Arabe qui tient les épiceries ouvertes jusqu’à point d’heure mais l’Indien !) : trop sympa ! Puis au détour d’un virage, ce sont des jeunes filles qui nous font signe de nous arrêter : notre drôle de camion les intrigue, elles voudraient bien le visiter. En moins d’une minute, elles ont rameuté toute la maisonnée, et nous voici à quinze dans notre cabane ! Ensuite, elles nous montrent leur jardin et surtout les animaux qu’elles y élèvent : un bélier, un veau tout neuf et des poules avec leurs poussins.


    Sawadi

    Nous regagnons la côte et bivouaquons sur le parking d’un complexe hôtelier haut de gamme, sur la presqu’île de Sawadi. Ca sent bon le lilas, c’est calme : idéal pour une bonne nuit ! Nous visitons d’ailleurs le « resort » de nuit, à pied, sorte de village du « Club Méd » qui donne sur une longue plage de sable fin où sont installés transats et parasols et où l’on aperçoit les
hors-bords qui doivent servir aux excursions dans les îles voisines. Evidemment, le restaurant aux lumières tamisées donne sur une piscine à débordement, ombragée par des palmiers… Le paysage diurne est drôlement chouette aussi : les quatre îles Damaniyat paraissent posées sur un banc de sable à quelques centaines de mètres du rivage ; il paraît même que l’on peut grimper sur la plus grosse à marée basse et courir jusqu’à la tour de guet qui la domine, puis redescendre avant que la mer ne remonte ! Malheureusement, les coefficients de marée en ce moment sont trop faibles et la mer ne se retire pas suffisamment pour que nous puissions tenter l’escapade… Pas grave, nous nous rabattons sur la baignade et la « cueillette »
de petits coquillages roses qui jonchent le sol par milliers ! Nous rencontrons un « Français routard », Patrick, avec qui nous papotons pendant que le soleil décline et qu’Inès, Martin et Amélie jouent à la marelle entre les flaques de mer qui commence à remonter. Nous dînons d’ailleurs avec notre compatriote, qui voyage sac au dos et dort sous tente : tout à fait facile et sûr ici.

   

    Le lendemain, nous profitons un dernier coup du paysage, faisons le plein d’eau, dépannons la voiture d’un Anglais et filons, direction la capitale : Mascate. Nous débusquons une résidence en cours d’aménagement, en bord de mer : « The Wave ». Tout au bout d’un labyrinthe de ruelles, nous tombons sur un espace vert ombragé, à deux pas d’une plage de sable fin et blanc, fréquentée visiblement par des « expat’ ». Après un bon pique-nique sur le gazon moelleux, nous piquons une tête dans une mer toute propre (ce qui n’était pas le cas quelques kilomètres au-dessus…). Amélie se lance même dans quelques mouvements de début de brasse… sans ses brassards !


 
  Mascate et notre rencontre avec Abdullah
    Le bivouac se fera au Parc al-Riyam, dans le quartier du port : Mutrah. Un peu en retrait de la route de la Corniche, mais à quelques kilomètres seulement du souq au poisson : l’endroit est stratégiquement choisi pour les visites qui nous attendent dès le lendemain matin… En effet, nous voulons voir de près à quoi ressemble le marché si réputé des animaux de la mer : c’est Abdullah, la cinquantaine, dishdasha blanche et foulard noué sur le crâne, qui nous y emmène. Il garde le Parc al-Riyam -en plus de servir l’Armée- et se trouvait sur notre parking ce matin. En préambule, il nous offre un bac à glaçons-thermos et des petites boîtes à cadeaux cartonnées de couleur, comme ça, en signe de bienvenue. Ensuite, il nous pose au fameux marché et nous propose même de revenir nous chercher ! Nous déclinons poliment l’offre,ne sachant pas vraiment quand nous aurons fini notre tour. Le « spectacle » des poissons posés à même l’estrade carrelée où sont assis les pêcheurs est assez dépaysant… Les gens se pressent entre les trois allées couvertes d’un toit en tôle et choisissent qui un thon, qui une raie ou un espadon, voire un calamar. Après leurs emplettes, ils confient leurs poissons à l’un des « découpeurs-préparateurs » assis derrière leur comptoir afin de les faire vider, écailler et débiter. Inès manque de tourner de l’œil et nous, nous sommes soulagés de respirer l’air un peu plus frais de dehors, malgré la b
enne à déchets d’où émane une puanteur terrible : c’est bien connu, il ne faut pas laisser les restes de poissons en plein soleil !

   

  
Nous poursuivons notre tour en déambulant dans le souq de Mutrah, où l’on trouve beaucoup d’encens (plusieurs parfums disponibles), des objets artisanaux en argent et bois, des étoffes provenant d’Inde et du Pakistan, et des vêtements traditionnels dont les fameuses kummas (genre de képis blancs brodés en vert, brun, rouge ou gris, et que tous les Omanais arborent). Nous rentrons à pied en longeant la Corniche et en admirant le port et le somptueux bateau de croisière du Sultan Qaboos. Alors que nous déjeunons dans le camion, à six reprises, des gens venant pique-niquer au Parc prennent notre cabane à roulettes pour une cabane à frites ! Invariablement, ils passent la tête par la baie grande ouverte, demandent –porte-monnaie à la main- ce que l’on vend, puis s’excusent presque aussitôt lorsqu’ils se rendent compte de leur méprise. Cela nous fait beaucoup rire ! Peut-être allons-nous finir par monter une affaire ?...

   

    Abdullah réapparaît pour l’apéro : Thierry lui fait goûter le pastis (« raq » en arabe) qu’il accepte volontiers ! Il nous offre la fin de sa bouteille de whisky, puis repart en nous interdisant de préparer le dîner… Une demi-heure plus tard, il nous livre, mieux que «Pizza Hut», un repas fait maison (par sa femme) constitué de crudités, cuisses de poulet cuites au barbecue et pain frais. Chacun a sa petite portion ! Il a aussi apporté des yaourts à boire, des glaces à l’eau et deux bidons de six litres d’eau minérale, craignant que nous soyons à cours dans la suite de notre parcours… Enfin, il offre sa canne de chamelier aux enfants, qui sont absolument ravis ! Abdullah ne tient même pas rigueur à Amélie qui lui a renversé la moitié de son « Yop » à la banane dans les chaussures… Nous le recroisons le lendemain matin, puis le surlendemain, alors qu’il n’était pas prévu que nous revenions bivouaquer là : il nous « souffle dans les bronches » parce que nous ne l’avons pas prévenu de notre retour et qu’il n’a pas pu nous apporter le repas la veille au soir !… Si maintenant les hôtes vous grondent quand ils ne peuvent pas vous gâter…

   
Bon, reprenons la version culturelle de notre séjour à Mascate : nous avons visité, dans le Vieux Mascate, le Musée Franco-Omanais, qui présentait une très intéressante expo sur les parfums, d’ici et de chez nous. Ensuite, nous sommes restés un peu sur notre faim devant le Palais du Sultan avec ses colonnades en forme de champignons bleus… Par contre, les enfants ont débusqué une armée de crabes en contrebas du mur de protection de la digue, et ça, ça leur a plu ! Surplombant le Palais, les deux forts, Al-Jalani et Murani gardent la baie, en cas d’attaque… Un pâté de maisons plus tard, les pompiers remplissent nos réservoirs et offrent un thé à Thierry. Nous repartons avec un grand saladier garni de dattes fraîches saupoudrées de graines de sésame : miam ! De leurs côtés, les hommes du feu, ainsi que les enfants du quartier intrigués par notre drôle de cabane, acceptent avec gourmandise les bonbons qu’Inès leur propose !... Ce jour-là, il y a aussi eu virée dans le quartier des ambassades pour en savoir plus sur la délivrance des visas
(pour l’Arabie saoudite) en Oman : nous gardons espoir, d’une part de recevoir les numéros de visas de la part du collègue saoudien de nos amis, et d’autre part, de pouvoir faire une demande ici si jamais nous étions coincés… Nous recroisons notre copain Patrick, reconnaissable à ses sacs à dos ventraux et dorsaux : il dîne avec nous et plante sa tente sur le trottoir à côté du camion. Tout de même, le monde est petit !
 

15 Oman