janvier-février 2012


   Wadi Rum

    Une immense étendue de sable rouge-orangé, au pied de montagnes de grès imposantes formant canyons, ponts suspendus ou simples reliefs … Nous arrivons dans le célèbre wadi en admirant l’un des «monuments» les plus connus : les «Sept Piliers de la Sagesse», nommés ainsi en hommage à Lawrence d’Arabie qui s’était installé dans le coin aux côtés des Bédouins pour les aider à mener leur révolution, au début du XXème siècle. Après nous être acquittés de notre droit d’entrer dans le site (qui est protégé), nous arrivons au village de Rum, coincé entre les falaises. Maisons modestes, épiceries, guesthouses (pensions de famille), enclos de dromadaires, pick-ups à tous les coins de rues, mais activité très calme (nous sommes encore en basse saison) : telle est la première vision du site. Nous ne sommes pas garés depuis deux minutes au bout du village qu’un habitant, Ibrahim, nous accueille chaleureuseme
nt et nous indique un endroit calme au bout de son allée pour nous garer. Nous faisons d’abord un petit tour à pied à l’entrée du désert de sable, qui nous coupe le souffle. Les pick-ups et 4x4 vont et viennent sur les pistes qui jalonnent la vallée, puis rentrent à la tombée de la nuit, comme nous ! Un petit crochet par l’épicerie pour acheter du pain (l’épicier en profite pou
r offrir des sucettes aux enfants…), puis un «pousser de cerceau avec un bâton» qu’un enfant du village prête à Inès, Martin et Amélie : ce qui n’est pas si facile…
    Ibrahim nous attend. Nous allons donc le camion sur son chemin puis acceptons son invitation à boire le thé auprès du feu, sous sa tente, attenante à la maison. Faouza, sa femme, et leurs sept enfants nous rejoignent et nous leur
partageons notre goûter en dégustant le thé bien chaud aromatisé à la sauge. Ibrahim parle très bien anglais et nous discutons ainsi un long moment. Nous prenons congé de cette charmante famille pour la «suite des hostilités» : douches, dîner et dodo pas trop tard, car demain, Abdou, un Bédouin rencontré au Visitor’s Center, nous emmène en excursion dans son pick-up afin de découvrir les merveilles du Wadi Rum.

    

    En fait, c’est Awad qui nous accompagnera. Il vient nous chercher à 9 heures. Nous nous couvrons bien car il fait frisquette (10 degrés dans le camion au réveil…), mais chaussons les lunettes de soleil car le ciel est complètement dégagé ! Nous nous installons à l’arrière, sur des banquettes bricolées, juste
assez moelleuses pour préserver nos arrière-trains des secousses trop violentes… Première étape : Aïn Khazali, dans la faille duquel nous nous engageons pour admirer les gravures (pieds, mains, chasseurs, dromadaires) laissés par les Nabatéens (tribus nomades présentes dans la péninsule arabe dès le VIème siècle avant JC), ainsi que les petits bassins circulaires taillés dans la roche pour recueillir l’eau de pluie. Awad nous montre ensuite la Petite Arche, puis la Moyenne Arche appelée Umm Frouth, sur laquelle
nous nous dressons fièrement après avoir escaladé une paroi un peu abrupte… Awad nous a
aidés, chaussé de ses mocassins à semelles lisses : nous avions plus peur pour lui, finalement ! Quelques kilomètres de piste plus loin, nous apercevons cette fois Burdah, la Grande Arche, perchée à plusieurs centaines de mètres, au sommet de la montagne ; nous nous contentons de l’admirer d’en bas. L’épisode qui suit était prévisible : pour accéder au Siq Burrah, un canyon cerné par les sables, tous les véhicules doivent s’y reprendre à plusieurs fois, au risque de s’ensabler sérieusement. Une fois n’est pas coutume, le pick-up patine (comprendre : «nous sommes trop lourds !»). Awad nous fait descendre et nous le regardons tester les
différentes pistes pour passer la côte. Une petite balade à pied nous fait le plus grand bien ! L’endroit est paisible, cerné par les montagnes de grès rouge. Les zouzous dénichent un petit creux dans la roche et nous sortons le pique-nique, que nous grignotons au soleil, à l’abri du vent. Pour sortir du canyon, il n’y a pas maintes solutions : Awad engage son pick-up dans une descente barrée par une énorme pierre plate, qui fait office de marche… Beaucoup y ont laissé des traces de carter ! Mais nous, nous passons aisément ! Nous arrivons au pied d’un immense mur de grès, sur lequel nous découvrons les Inscriptions d’Anfashieh : troupeaux de dromadaires et chasseurs y sont gravés, en grande quantité. Awad nous conduit ensuite à la Grande Dune, où les enfants s’en donnent à cœur joie pour braver le sable et monter tout en haut de la montagne ! Thierry les rejoint, tandis que Sabine farniente en bas, profitant du calme (même si pas mal de véhicules empruntent cette piste). La vue d’en haut est magnifique, mais l’appareil-photo est resté dans la voiture… : à vos imaginations, chers lecteurs ! Retour au camion, enchantés de cette excursion magique (et chargés de sable jusque dans les moindres recoins…), nous reprenons des forces autour d’un bon goûter puis nous rhabillons pour aller admirer le coucher du soleil à l’entrée du wadi. Ibrahim, que nous crois
ons sur notre route, nous invite à boire le thé. Quand nous lui expliquons notre projet, il décide de nous emmener –gratuitement- en 4x4, jusqu’à son campement (l’adresse de ce site est dans la page « Découvrez d’autres voyageurs ») car, dit-il, il faut marcher au moins deux heures si nous voulons apercevoir le soleil décliner…


    Nous sommes vraiment trop gâtés ! Nous grimpons tout en haut de l’énorme rocher qui surplombe la tente d’Ibrahim dans le désert, non loin de la Grande Dune, pendant qu’il fait un feu et prépare du thé. Le spectacle est grandiose, nous sommes juste en face du creux de montagnes au milieu duquel se cache progressivement le soleil, dans une lumière rougeoyante extraordinaire ! Fidèle à lui-même, Thierry escalade le plus haut rocher pour ne pas en perdre une miette : nous le distinguons à peine sur la falaise… En bas, Ibrahim nous attend, vêtu de son long manteau en peau. La théière est noircie par les flammes et nous en apprécions le délicieux breuvage tout en écoutant notre hôte nous raconter des histoires de Bédouins. Parfois, il dort là, au creux du rocher, enroulé dans trois couvertures, sous le ciel étoilé : le luxe !

    Nous rentrons au village dans la nuit noire, c’est excitant. Ceci dit, à peine rentrés dans notre cabane, les zouzous affichent une certaine fatigue… Tout le monde au plumard ! Il faut se requinquer pour la tant attendue promenade à dos de dromadaires de demain matin !


    Ce
sont deux petits voisins d’Ibrahim qui arrivent avec les dromadaires harnachés ; ils vont nous conduire jusqu’au Puits de Lawrence. Awad et Ahmad ont à peine dix ans, mais il n’y a pas école aujourd’hui, alors ils se chargent de promener les touristes. Nous réalisons que nous aurions du mal à laisser notre Inès faire de même au même âge… La source du Puits de Lawrence est captée en haut de la montagne, alors nous y grimpons gaiement, laissant nos «taxi boys» faire boire les montures et se reposer un moment. La vue est magnifique, une fois de plus ! Au retour, Thierry et Sabine se tannent le cuir du derrière eux-aussi : ça chaloupe, un dromadaire ! Nous remercions Awad et Ahmad, qui mènent les animaux au champ et les déharnachent habilement. Ibrahim est parti mais Inès, Martin et Amélie lui laissent trois beaux dessins pour le remercier de son accueil si généreux. Une des roues du camion est ensablée : chouette ! Enfin une occasion de sortir les plaques de désensablage (petit clin d’œil à notre copain Toto qui nous les a fournies …) ! Abdelaziz, le fils aîné d’Ibrahim, nous donne un coup de main et nous quittons ce chouette site, que nous sommes heureux d’avoir fréquenté en basse saison…

   Aqaba

    Destination suivante : Aqaba. Cette ville balnéaire s’étale au pied des montagnes, à l’horizontale. Il y a bien quelques hôtels qui dépassent, mais cela ne dénature pas l’ensemble des habitations typiques à un, voire deux étages. Premier stand : le ravitaillement ! Nous dévalisons le supermarché à consonance britannique (Safeway, pour ne pas le nommer) et les placards débordent. Nous faisons également le plein des réservoirs d’eau à l’arrière du bâtiment, où les employés sont adorables. Puis nous mettons le cap vers les plages du sud, apparemment aménagées pour les campeurs. La frontière saoudienne n’est qu’à 5 kilomètres, indique un panneau.

    Les immenses parkings sont déserts et nous pouvons choisir notre emplacement : ce sera face à la mer, sous un lampadaire, à gauche d’une poubelle, là où le terrain descend légèrement (ça, c’est pour l’écoulem
ent de l’eau de la douche !). Il fait doux, c’est le bonheur, car nous nous sommes «caillés» au Wadi Rum ! Balade sur la plage et jeux pour se dégourdir les pattes nous font le plus grand bien. Le lendemain, le ciel est couvert et il fait à nouveau froid : damned ! Cela n’empêche pas la petite troupe de se régaler dehors. Pendant ce temps, les grands ont des ac
tivités plus… routinières : lessive (les sanitaires sont juste à côté !), préparation de mails, repas, regonflage des pneus, changement d’ampoule du feu avant… On en profite aussi pour faire la classe, au coucher du soleil. Puis Thierry allume un feu autour duquel on se rassemble pour le goûter. On se «bédouinise» !

   

    Ouf ! Le soleil est revenu le jour suivant ! Nous recevons la visite d’un jeune couple d’Autrichiens en vadrouille, comme nous en camping-car. Lukas et Lissi sont arrivés en bateau par Israël et s’apprêtent à descendre en Egypte après leur tour de Jordanie. Ils nous donnent plein de tuyaux, notamment sur les shippings (lignes de transport
s maritimes) partant du port d’Haïfa. Ce qui nous redonne le moral. En effet, nous commencions à nous demander comment sortir du Proche-Orient, la traversée de la Syrie s’avérant plus que compromise et les traversées en bateau depuis l’Egypte étant suspendues pour le moment. Quelle drôle d’idée avons-nous eue d’aller faire les curieux dans les pays où les révolutions se succèdent…

   

    Après une deuxième lessive, nous faisons  connaissance d’Ahmad, la quarantaine, qui habite sur la plage. Un parasol lui sert de chambre, et un autre, toujours ouvert, de cuisine-salon-salle-à-manger. Nous sympathisons avec lui et apportons le
déjeuner que nous partageons avec lui, sous sa «tente», à l’abri du vent. Il nous montre les poissons multicolores qu’il a attrapés ce matin et qu’il garde dans un bac avec de la glace ; peut-être pourra t-il les vendre dans la journée ? Juste après le déjeuner, il emmène Thierry découvrir les fonds sous-marins peuplés de poissons en tous genres (murènes, rayés rouge et blanc, noir et blanc, bleu électrique, poisson-boule, etc.) et surtout de massifs de coraux superbes, à seulement quelques mètres
de la plage. Il y a même un tank russe qui gît par six mètres de fond et qui sert d’abri à une multitude de petits et gros poissons colorés.

   

    Nous quittons Ahmad pour nous rendre en ville, car nous avons besoin de gaz et cherchons une connexion internet. Alors que Thierry négocie la recharge de nos bouteilles de gaz, Sabine, dans sa quête à l’internet, échoue dans un magasin de
matériaux électriques, dont le gérant, Abd el-Karim, lui propose de s’installer à son bureau, ne sachant pas où lui indiquer un café internet dans le coin ! Du coup, la voilà partie dans la consultation et l’envoi de ses mails, tout en dégustant une orange épluchée par son hôte. Il se retire au moment de la prière, puis revient avec des pâtisseries : trop sympa !
    Après toutes ces démarches, plus une messe en Anglais attrapée au vol dans une église grecque-orthodoxe du quartier, Inès fait remarquer, à juste titre, que l’on n’a pas encore fêté ni l’obtention des visas saoudiens, ni même la traversée sans
embûche de l’Arabie. Nous réparons cet oubli immédiatement en nous rendant dans un petit resto du centre-ville. L’aliment de base des plats jordaniens étant, avec le riz, le poulet, nous optons donc pour du poulet à toutes les sauces, mais surtout accompagné de frites pour ces enfants-là ! Puis nous regagnons «notre» emplacement sur la plage, pas loin des cabanes d’Ahmad.

Séance «salon de coiffure» pour Inès, puis baignade tous ensemble avec Ahmad, qui nous prête au passage des palmes et des masques, les nôtres (à nous, les parents) étant soigneusement rangés au fond de notre garage, en France… Nos petits plongeurs sont ravis du spectacle, mais prennent peur en voyant des méduses, et c’en est fini de l’exploration sous-marine. Puisque c’est ça, nous invitons notre désormais copain à venir déjeuner «chez nous», les nuages ayant décidés de nous ôter le soleil. Il nous apporte sa pêche du matin, que nous dégustons avec plaisir.

    La fin de l’après-midi est beaucoup moins agréable, puisqu’elle consiste à retourner en ville pour glaner des informations sur les traversées en ferry entre Aqaba et Nuweïba, en Egypte : tout cela pour qu’au bout d’une heure de tarifs, horaires et explications diverses, Mohadanat, le guichetier apprenne à Sabine que c’est moins long et moins coûteux de traverser Israël au poste –frontière tout proche et de gagner ensuite l’Egypte par la route !). Ensuite nous allons récupérer nos bouteilles de gaz (pleines), passons déposer nos draps à la laverie et squattons dans une ruelle cracra où nous captons une connexion en wifi. Certes, c’est pratique. Après nos traditionnelles crêpes du dimanche, nous usons et abusons de cette connexion providentielle et nous couchons une fois de plus à point d’heure…

   

 
  Dernier jour à Aqaba : nous nous baladons dans les rues de cette charmante station balnéaire, au gré des souqs et des marchands de souvenirs. Alors que nous sommes intrigués par tous ces pains arabes qui arrivent par dizaines sur un tapis roulant à la grande boulangerie du centre-ville, un des employés nous emmène au sous-sol et nous montre les différentes étapes de fabrication de ces galettes dont nous raffolons et que nous dévorons chaque matin au petit-déjeuner. Nous faisons
aussi un tour sur la plage, bondée celle-là, du centre-ville. Au large, trois cargos attendent d’être admis au port. Des dizaines de pilotes de glass-boats (bateaux à fond de verre) tentent de nous vendre une excursion, mais nous, on les a vus en vrai, les poissons ! En retrait de la plage, on cultive des herbes aromatiques, des radis et des épinards dans de petites parcelles maraîchères de deux mètres sur trois, à
l’ombre des palmiers : c’est surprenant.

Nous allons aussi jusqu’au poste-frontière prendre des renseignements concernant les formalités d’entrée et de traversée d’Israël, puisque nous allons peut-être passer par là pour rentrer au bercail… Enfin, nous faisons le plein d’eau sur un chantier, puis le plein d’essence, avant de nous lancer sur la route du Wadi Araba, vers le Nord.


    La Mer Morte

    Bienven
ue à 400 mètres en-dessous du niveau de la mer ! Les majestueuses montagnes brun-rouge débaroulent dans cette immense étendue d’eau hyper salinisée (soixante-dix fois plus que la Méditerranée) où aucune vie n’est possible… Tous les accès à cette curieuse mer sont payants ; la plage municipale prodigue les tarifs les moins prohibitifs – tout de même 11 euros par personne ! – donc nous nous jetons à l’eau… Enfin, pas trop fort non plus, car il vaut mieux ne pas recevoir d’eau dans les yeux ou pire, boire la tasse : cela pourrait être fatal ! D’énormes concrétions de sel longent le rivage, ce qui ravit les enfants qui se mettent immédiatement «au travail» : ils s’inventent une usine de sel et construisent aussi des châteaux de sel (à défaut de sable, qui est absolument dégoûtant…), oubliant d’ailleurs d’aller tester la mystérieuse flottabilité de l’eau. C’est vrai que cela surprend de pouvoir garder mains et pieds hors de l’eau sans couler ! Nous pique-niquons ensuite sous un parasol, à l’instar des familles du coin venues passer la journée ici à farnienter, à s’enduire de boue curative ou à fumer la chicha (pipe à eau). Inès utilise le marc de nos cafés «arabes» pour peindre sur une pierre des motifs comme ceux que nous avons vus au Wadi Rum (cf.Nabatéens). Martin et Amélie imitent quant à eux un combat au glaive (de gladiateurs ?), le tout sous un soleil généreux.


     Béthanie au-delà du Jourdain

    C’est le site où Jean-Baptiste aurait baptisé Jésus, avec l’eau d’une source se jetant dans le célèbre fleuve, et non avec l’eau du Jourdain lui-même, celui-ci étant beaucoup trop mouvementé et donc peu «pratique » pour les cérémonies de purification. On y apprend que Jean-Baptiste mangeait des baies et se cachait ici des pharisiens pour continuer son activité. Le Jourdain ne fait maintenant plus que quelques mètres de large et l’on peut même saluer les touristes qui viennent y tremper les pieds côté israélien !

    Au cours de la visite, nous sympathisons avec une famille d’Américains vivant à Amman. John (infirmier), Deanna (aide-soignante) et leurs quatre enfants espèrent retourner au plus vite au Yémen car ils s’y étaient installés avant la période d’instabilité politique pour aider la population à se former aux métiers d’infirmier(e) et d’aide-soignant(e), les médecins ayant, pour beaucoup, déserté le pays. Ils nous invitent à passer chez eux, Inch’Allah…

    Avant d’attaquer la vallée du Jourdain, véritable «potager» du pays, nous faisons une pause auprès d’une mosquée pour faire le plein d’eau, mais au bidon, cette fois-ci ! Un fidèle nous offre un sac de fruits après la prière. Tout le long de la route, des cultures, sous serres et à l’air libre, s’étendent à perte de vue, entrecoupées de tentes de Bédouins. On croise des tas de camionnettes chargées de cagettes débordant de tomates (principalement), mais aussi d’oranges, de choux-fleurs, de courgettes, etc. D’ailleurs, on n’a que l’embarras du choix pour faire son marché : il suffit de s’arrêter sur le bord de la route ! Et en plus, les prix sont dérisoires. En revanche, question conduite au volant, c’est assez «artistique»… Mieux vaut être concentré et avoir des réflexes, dont celui d’appuyer sur le klaxon pour se signaler et annoncer qu’on s’engage dans un rond-point ou qu’on double !


    Pella

    Nous sommes arrivés de nuit sur ce site archéologique un peu désert. La «guesthouse» est fermée, les habitants de la maison à côté de laquelle nous nous garons ne se manifestent pas ni ne répondent à nos «ouh-ouh», mais l’endroit est paisible. Au cours de la nuit, une véritable tempête de pluie et de vent secoue le camion dans tous les sens… Au matin, nous décidons tout de même d’aller jeter un œil sur les vestiges. Mais au bout de cinq minutes, nous battons en retraite : nous sommes trempés et avons froid (normal, nous sommes encore en short, alors que, visiblement, c’est plutôt l’hiver, par ici…). La vue sur la vallée du Jourdain est néanmoins superbe, toute de vert recouverte. Au loin, on distingue même les reliefs d’Israël. Nous passons environ dix check-points militaires très amicaux avant d’arriver encore plus au nord, à Umm Qays. Normal, nous longeons deux frontières sensibles : Israël à l’ouest et la Syrie au nord…


   Umm Qa
ys

    Dominant le Lac de Tibériade, la vallée du Yarmouk, celle du Jourdain et le plateau du Golan, la ville ottomane d’Umm Qays impressionne, même sous la pluie ! Armés de nos blousons et même de nos gants, nous nous lançons à la découverte de cette cité que Pompée et Hérode le Grand avaient développée jusqu’au faste. Nous y avons particulièrement apprécié : le Décumanus long d’1,6 km, le Théâtre Noir en basalte, les échoppes faisant aussi office de sous-bassements pour la basilique byzantine et les «trous de fouilles» rectangulaires où sont mis à jour de nouveaux vestiges. En outre, le soleil a fait une apparition en fin de parcours, nous offrant une belle luminosité de fin d’après-midi. Ce jour-là, nous avons  «déjeuné» à 16h30…


    Irbid

    Nous ne faisons halte dans cette immense ville étudiante que pour trouver une connexion internet et un supermarché. Il pleut encore, mais le supermarché est bien achalandé et le café internet facilement accessible. Nous dénichons un lampadaire dans une zone un peu tranquille et nous y établissons notre bivouac. Au réveil, deux bergers passent sous nos fenêtres avec leur troupeau de moutons et de chèvres. Ils doivent avoir dix-douze ans…


   Jerash

    C’est le deuxième site le plus visité en Jordanie après Pétra, et pour cause ! Cette ville, créée par Alexandre-le-Grand, aux alentours du IVème siècle avant JC, a été occupée depuis l‘époque néolithique. Successivement grecque, romaine puis byzantine, elle s’est surtout considérablement enrichie et développée sous le règne de Trajan, grâce aux routes commerciales et à ses plaines fertiles. Les vestiges sont très bien conservés et la balade n’en est que plus agréable et enrichissante : Hippodrome, Arc de Triomphe d’Adrien, Place Ovale, Cardo Maximus , Nymphéum gigantesque, Temple d’Artémis, marché couvert, Théâtres sud et nord et multitudes d’églises avec mosaïques.

Alors que nous nous extasions sur le magnifique Théâtre-nord, au son d’une cornemuse animée par un Jordanien en kilt ( !) nous rencontrons une famille française : François -qui travaille pour «Médecins Sans Frontières» auprès de la population irakienne- et Caroline habitent à Amman avec leurs trois enfants, Adélaïde, Gaspard et Marguerite. Inès, Martin et Amélie sont ravis de pouvoir parler et jouer avec des enfants de leurs âges, et en français ! Tout se petit monde envahit le camping-car à la sortie du site : des amitiés sont en train de se nouer… Nous prenons leur adresse, avec le projet de leur rendre visite lors de notre futur passage dans la capitale
Le gardien du parking, qui nous à invités à bivouaquer là, nous offre tout d’abord du pain. Nous faisons classe, puis dînons. Puis, une fois les zouzous couchés, nous lançons dans nos activités respectives : comptes et rédaction du carnet de bord pour Sabine, lessive au clair de lune dans les sanitaires du Visitor’s Center pour Thierry… Soleymane nous apporte alors à chacun un thé bien chaud, ainsi qu’un bouquet de romarin. Il est adorable ! Le lendemain matin, nous faisons une razia dans les magasins de souvenirs du site puis mettons le cap à l’est, direction les Châteaux du Désert.


Les Châteaux du Désert

   
Le paysage nous fait penser à celui des Baronnies, en Provence : champs d’oliviers sur terre ocre rouge et villages perchés dans les collines. Un peu plus loin, le relief s’aplatit, laissant la place au désert de cailloux d’un brun-rouge. Nous déjeunons au bord de la route qui mène à Al-Ashimiyya, où fument les cheminées d’une énorme raffinerie de pétrole. Thierry débusque un «ballon de buisson», avec lequel Martin et Amélie jouent comme des petits fous. Beaucoup d’industries sont installées là, sur la
route qui mène à la Syrie, l’Irak et l’Arabie Saoudite. Beaucoup de bases militaires aussi ! La route est défoncée tellement il y a de passage de poids-lourds.
    Arrivés à Al-Azraq, nous tentons un premier bivouac sur le parking d’une «resthouse» déserte ; le gérant veut 20 dinars (20 euros)… Du coup, nous faisons marche-arrière et avisons un lampadaire dans une zone où nous avons aperçu quelques tentes de Bédouins. L’endroit semble paisible, nous mettons en route une séance de classe. Elle est interrompue par le bruit d’une pierre qui rebondit sur la carrosserie : bienvenue !... Troisième étape à côté d’une fabrique de moellons, au bord de la Nationale. La quatrième étape  sera la réserve naturelle de Shaumari, que nous pensons visiter demain : au bout de cinq kilomètres de piste chaotique, un panneau nous informe que la réserve est fermée pour restauration… Nous sommes tout de même dans une zone d’intense circulation de poids-lourds, à proximité de frontières sensibles… Il nous faut un lieu de bivouac sûr. Nous misons sur notre dernière
carte : les Lodges d’Azraq (table et chambre d’hôtes gérées par la région pour promouvoir les sites naturels du coin). Personne ne répond à la réception, mais l’endroit est paisible, en retrait de la route. Nous nous manifesterons demain matin, et puis voilà. Cela tombe bien, il pleut des cordes ! Notre programme de visites de châteaux tombe à l’eau, c’est le cas de le dire ! Puisque c’est ainsi, ce sera une journée «off» : le réceptionniste nous autorise à
nous installer dans la salle de restaurant pour faire classe. Au moins y fait-il à peu près chaud. Une fois sur place, nous enchaînons avec un délicieux déjeuner servi en buffet : crudités, houmous, soupe de vermicelles, poulet, légumes fondants, riz, raviolis maison, fruits et gâteau « au yaourt ». Nos ventres explosent ! Le réceptionniste accepte de nous fournir de l’électricité. Aussi retournons-nous dans notre cabane, où nous branchons le chauffage à fond. S’engage ensuite une interminable partie de Monopoly : les enfants en rêvaient depuis le départ ! Trois heures trente plus tard, Sabine est ruinée et Martin a raflé toutes les propriétés du jeu.


   
La tournée des châteaux peut enfin commencer le jour suivant car le soleil a enfin repris le dessus. En prem’s, celui d’Al-Azraq, qui servit de QG à Lawrence d’Arabie au début du XXème siècle alors qu’il donnait un coup de main aux peuples arabes dans leur quête d’indépendance. Après avoir passé l’imposante porte en basalte pesant une tonne, on découvre une grande cour fortifiée, entourée de pièces et d’écuries. Les plafonds, faute de bois de construction dans la région, sont aux-aussi en pierres de basalte ingénieusement enchevêtrées les unes dans les autres.
    Perdu au milieu de nulle part, le Château d’Amra est plus raffiné : il servait officiellement de pavillon de chasse (mais aussi de garçonnière…) au calife Walid Ier, au VIIIème siècle. Les fresques intérieures sont magnifiques et le système de hammam encore bien visible.
    Quant à celui d’Al-Kharaneh, sous ses airs de forteresse, il abritait un caravansérail dont on voit encore la plupart des chambres, les cuisines et les écuries, qui
accueillaient chevaux et dromadaires au rez-de chaussée. Le gardien nous emmène sur les toits d’où nous embrassons une vue à 360° sur le désert environnant.

    Cette belle journée se termine à Amman, la capitale. Au menu de la soirée : grandes courses dans le magasin Carrefour que Sabine a repéré depuis belle lurette dans le guide…

 

20 Jordanie (suite)