février 2012

    Petra et Umm Sayhoun

    Nous arrivons à Wadi Musa, la ville dans laquelle se trouve le site de Petra, en fin d’après-midi. Les guichets sont déjà fermés mais un employé du Visitor’s Center nous suggère de prendre des billets pour le spectacle son et lumière « Petra by night » qui a lieu ce soir, devant le Trésor (ou Khazneh) de Petra. Tandis
que je m’acquitte de ces fameux billets, Thierry est abordé par Rezeq, un jeune Bédouin qui vit au village voisin et s’assure que tout va bien pour nous. Il nous propose de nous faire découvrir la Petite Petra, premier site découvert par les Nabatéens en quête d’un endroit pour y établir leur capitale, à deux kilomètres de l’actuelle Petra. En effet, nous y découvrons des tombeaux ainsi que des habitations creusés dans la roche, mais plus ou moins terminés. Rezeq nous explique que, très vite, les Nabatéens ont trouvé l’endroit trop exigu et ont cherché quelque chose de plus vaste. C’est ainsi qu’ils ont investi l’actuel
site de Petra, bien plus grand, et qu’ils ont abandonné celui de Siq al-Barid. En tout cas, pour nous, c’est une sacrée belle entrée en matière ! En plus, Rezeq joue comme un
gamin avec Inès, Martin et Amélie et, très vite, un lien se crée. Alors que nous lui demandons où nous pourrions bivouaquer, il propose que nous nous garions en face de sa maison, au village d’Umm Sayhoun (construit de toutes pièces pour reloger les Bédouins de Pétra après la transformation du site en lieu touristique). Dès notre arrivée, son frère Mohammad nous apporte le thé dans le camion, car, sur une idée d’Inès, nous organisons un concours de dessins, auquel notre nouvel ami et sa petite sœur Tamara participent, bien sûr ! Quant à Mohammad, il est membre du jury avec Thierry. Quelle partie de rigolade ! Nous laissons ensuite nos amis pour dîner rapido, nous couvrir chaudement et retourner « en ville » pour le spectacle… Après avoir passé le portail, nous suivons le chemin lumineux grâce aux lampions de papiers posés au sol, puis nous nous engouffrons dans le Siq (canyon) lui aussi illuminé et découvrons le Trésor, devant lequel sont disposés des tapis où nous nous asseyons, au milieu de tous les autres touristes.  Un Bédouin nous accueille et annonce les musiciens, qui jouent successivement de la flûte « traversière » et de la « mandoline ». Un autre chante des chants traditionnels, puis on nous sert une tasse de thé bien chaud, que nous apprécions bien car il fait frisquette… Toutefois, nous sommes un peu surpris par la
« simplicité »  de la mise en scène : le Khazneh n’est même pas éclairé. Il faut dire que nous avons peut-être des goûts de luxe, habitant près de Lyon et étant très gâtés lors de la Fête des Lumières qui s’y tient chaque année le 8 décembre ! Ceci dit, nous sommes ravis de notre petite virée nocturne.


    Le lendemain matin, Rezeq nous emmène dans sa Mercedes noire qu’il conduit à toute allure, même dans les virages… Nous arrivons néanmoins sains et saufs au Wadi Musa et sommes curieux de découvrir la fameuse Petra, de jour cette fois-ci. Nous ne sommes pas en reste, tellement les tombeaux et les habitations creusés dans la roche chamarrée rendent l’endroit majestueux ! Tout le long du Siq
court une canalisation creusée dans la roche, qui permettait de conduire l’eau jusqu’au village, bien protégé par cet étroit canyon aux falaises impressionnantes. On imagine aisément les caravanes de marchandises passant par là pour y être vendues ou échangées. Nous restons bouche-bée devant le théâtre, entièrement creusé  dans la falaise, et découvrons la « plaine » où sont installées les échoppes de souvenirs, au pied des montagnes. Rezeq nous emmène au Monastère (ou Deir), perché tout en haut
du Jebel el-Deir. Certains touristes montent les 788 marches à dos d’ânes, mais nous, nous sommes très courageux et montons à pied, non sans quelques grognements par-ci,

par-là… Nous sommes récompensés dès notre arrivée au sommet, où se dresse l’impressionnant bâtiment, qui ressemble au Khazneh, mais en moins travaillé. Nous dévorons notre pique-nique bien mérité à l’abri d’une petite grotte, car le ciel est couvert et la bise souffle.


    Ayant repris des forces, nous poussons jusqu’au point de vue appelé « la fin du monde » et jouissons d’un panorama (un peu masqué par la brume, certes) à 360° sur la vallée du
Jourdain et le Mont Aaron, notamment. Nos zouzous dévalent plus facilement les nombreuses marches à la descente qu’à la montée ! Nous croisons quelques femmes qui tiennent des petits stands de souvenirs (cailloux colorés du site, bijoux faits main par les femmes bédouines, cartes postales…) et entretiennent le feu sur lequel elles font chauffer leur thé. Rezeq nous fait sortir par la porte secondaire du site, qui donne directement sur le village d’Umm Sayhoun. Quelle bonne idée : nos gambettes sont moulues ! En plus, Ali, son Papa, nous invite à boire le thé et à nous réchauffer sous sa tente (attenante à sa maison) ; que demander de plus ? Nous y faisons connaissance de voisins et cousins de la famille, ainsi que des sœurs et du petit frère de Rezeq, Omar. Ali fume sa chicha (pipe à eau) et on nous sert des tasses et des tasses de thé bédouin (aromatisé à la sauge et chauffé au feu de bois)… Les filles s’en
régalent ! On se sent presque en famille tellement l’accueil est chaleureux. Notre deuxième journée de visite commence par… le début, devant lequel nous sommes vite passés le premier jour : nous observons donc plus attentivement les Tombeaux des Djinns et le Tombeau aux Obélisques, joyeux mélange d’influences grecques, romaines, et égyptiennes. Passage obligé par le Siq, toujours aussi magique, puis le Kazneh devant lequel nous rencontrons Dyma, une petite fille bédouine de 8 ans qui v
end des cartes postales aux touristes. Elle nous suit jusqu’à la ville basse (le village) puis attaque avec nous l’ascension pour le Haut-lieu du Sacrifice. Elle semble contente de pouvoir goûter un peu d’insouciance en jouant avec Inès, Martin et Amélie. Là aussi, les marches sont nombreuses mais elles passent inaperçues aux yeux des enfants, qui se courent après et jouent à cache-cache, tout heureux d’avoir trouvé une nouvelle copine. Du sommet, la vue est splendide et plonge sur la ville
basse qui grouille de touristes d’un côté, et de l’autre, une série de grottes et de tombes creusées dans la roche, encore habitées par d’irréductibles Bédouins mais à l’écart du circuit touristique. Les enfants ont ramassé plein de cailloux friables de couleurs différentes (rouge, jaune, violet) et s’amusent tous les quatre à fabriquer de la poudre, qu’ils mélangent ensuite à de l’eau pour en faire de la peinture… Ils se rincent ensuite les mains dans un bassin d’eau saumâtre… avant de venir pique-niquer !


    Alors que nous dégustons nos sandwichs vache-qui-rit/tomate, nous voyons débarquer François (d’Amman), puis Caroline et Marguerite, et enfin Gaspard et Adélaïde ! Trop chouettes, les retrouvailles ! Pendant que nous papotons, les garçons s’enduisent le visage et les avant-bras de boue ocre-rouge (enfin de peinture de guerre !...). Il est temps de reprendre la balade… Qui continue sur un versant invisible depuis la ville basse (le Wadi el Farasa), mais qui regorge de tombeaux, anciens jardins, citernes et fontaines, le tout dans des chamarrures allant du brun-rouge au blanc cassé, en passant par le violet, le rouge basque et le jaune safran : nous en prenons plein les mirettes. Ce sont surtout les cartes-mémoire des appareils-photo qui vont exploser… En passant dans le « quartier commerçant » des marchands de souvenirs, nous saluons notre ami Rezeq dans son magasin et le ramenons au village, puisque nous dînons chez lui avec les Delfosse. En effet, sachant que nous retrouvions nos amis aujourd’hui, il nous avait proposé d’organiser
un repas typique dans sa grande maison. Evidemment, la soirée commence sous la tente avec le traditionnel cérémonial du thé. Rezeq n’en finit pas d’asticoter les enfants, qui le lui rendent bien et sont complètement excités. Puis nous passons « à table » sans table : nous nous installons sur les tapis, autour de l’immense plat que nous apportent les sœurs de Rezeq, et Ali nous montre comment attraper le riz, les lé
gumes fondants (aubergines, courgettes, carottes) et les morceaux de poulet à l’aide d’un bout de pain tenu en pince dans la main. La scène est cocasse car nous ne sommes pas tous très habiles… En tout cas, nous nous régalons ! Les enfants se remettent à jouer avec Rezeq, qui en redemande, puis est rejoint par Mohammad, qui en rajoute une couche. On ne s’entend plus mais cette gaité et cette bonne humeur partagées nous font grand plaisir. Ce soir, nous « découchons » et allons bivouaquer au pied de l’hôtel des copains pour pouvoir se rejoindre dès le réveil et passer la matinée
ensemble dans Petra.


    Le lendemain matin, nous grimpons sur la troisième montagne, le Jebel Khubtha, pour y admirer le Khazneh d’en haut : effet assuré car la vue est vertigineuse depuis là-haut ! Nous pique-niquons au sommet et redescendons à la ville basse, en passant rapidement devant les tombes royales, puis nous passons dire au-revoir à nos amis bédouins dans leurs magasins respectifs, avec un petit pincement au cœur… Rezeq, Mohammad, Ali et Omar auront vraiment fait de notre séjour à Petra un grand moment de bonheur et d’amitié ! Nous n’oublions pas notre petite Dyma, qui, aujourd’hui, vend des colliers : l’insouciance de l’enfance par ici ne dure pas très longtemps… Dans le même temps, nos enfants à nous, loin de devoir alpaguer tout le jour durant des touristes qui les ignorent pour rapporter deux-trois sous à la maison le soir, se font offrir par Caroline un retour express à cheval jusqu’à l’entrée du site, ainsi qu’une glace (visiblement fondue-reglacée… mais tellement bonne quand même !) par François. Nous nous quittons donc en nous faisant des bisous tout collants, et en nous promettant de nous revoir cet été, en France… Notre virée chez les Bédouins n’est pas terminée : Ali nous attend à Umm Sayhoun pour nous guider jusqu’au campement d’un de ses cousins, dans le Wadi Arraba. Il nous faut pour y arriver traverser les montagnes et emprunter une piste toute défoncée mais dans un paysage superbe, avec vue sur la vallée du Jourdain, le désert de sable de l’Arraba et Israël au loin. Nous laissons le camping-car chez Salim, entre chèvres et
dromadaires, et grimpons dans le 4x4 d’Ali qui nous emmène admirer le coucher du soleil dan
s les dunes. Au loin, une caravane de dromadaires passe, nonchalante… Salim et ses voisins nous montrent comment ils fabriquent leur pain (voir « le coin des enfants n°10 ») et nous en font goûter : miam ! Ensuite, nous invitons Ali à dîner dans notre cabane ; chacun son tour ! Le lendemain, il nous remmène faire des cascades dans les dunes, puis Thierry donne un coup de main à Salim qui essaie de réparer son pickup avec ses deux fistons. Nous mettons le cap sur Aqaba en début d’après-midi, après avoir salué nos hôtes et notre ami Ali.


    Aqaba (2ème visite)

    Nous avons nos petites habitudes ici, désormais : plein de courses au «Safeway», dépôt des draps à laver chez Mahjid et dépôt des bouteilles de gaz à remplir un peu plus loin. Nous débusquons même un guide «Lonely Planet» d’Israël en français à la librairie, ainsi que deux BD de Lucky Luke d’occasion sur lesquelles les enfants se jettent à peine rentrés au camion. Enfin, nous retournons bivouaquer à la plage sud, sur notre parking du fond, devant la poubelle, sous le lampadaire… Nous retrouvons avec grand plaisir notre
ami Ahmad, qui nous accompagne voir les poissons dans une mer plus calme et plus chaude que lors de notre dernier passage. Cela n’empêche pas Martin et Amélie d’être effrayés par les petites méduses… Ils se rattrapent en se postant sur le rivage pour pêcher : Abu Wahil, ami d’Ahmad, leur a donné un hameçon. Les trois jours que nous passons à Aqaba sont essentiellement dédiés aux tâches d’entretien et à l’école, que nous avons un peu négligée ces derniers temps… Au programme donc :
lessives, coupes de cheveux, ménage, réparation de feu arrière et autre petits bricolages. Pendant les récrés, Inès, Martin et Amélie s’inventent des histoires dans leur cabane ou jouent aux Playmobil. Ils sont     vraiment à l’aise. Nous passons aussi un chouette après-midi en compagnie de Pierre, Louisa, Zohra et Nina, des Français rencontrés « en ville » et venus nous rejoindre sur la plage. Ils terminent un tour du m
onde de six mois, sacs au dos. Les échangent entre enfants vont bon train ! Entre parents aussi d’ailleurs, et c’est réconfortant. Puis vient le temps des adieux à notre ami Ahmad, lui aussi générateur de bonheur et d’amitié. Nous sommes un peu frustrés car il n’a qu’un numéro de téléphone à nous laisser, nous qui aurions aimé échanger des mails et lui envoyer des photos de ces moments si conviviaux passés avec lui… Il ne nous reste qu’à revenir, après tout…
 

22 Jordanie (suite et fin)