mars 2012

     Passage à Taba

    A priori, aucune difficulté ne s’annonçait pour entrer en Egypte… C’était sans compter la découverte par les douaniers de nos «outils d’espionnage potentiel», à savoir une paire de jumelles et un GPS ! Notre mini-bombe lacrymogène, quant à elle, est allée directement au panier, sans sommation préalable : finalement, Israël était moins regardant… Donc, au bout de trois quarts d’heure –le temps pour le douanier d’ausculter nos appareils– on nous autorise à les garder, mais en les utilisant très discrètement. Puis vient le temps des douanes à proprement parler, avec pose de plaques d’immatriculation égyptiennes et «carte grise» associée . L’épisode est assez cocasse dans l’atelier, car l’employé cherche un bon moment deux plaques identiques dans un fouillis métallique pas possible. Lorsqu’enfin il les trouve, Thierry les fixe au camion. Nous nous acquittons ensuite de l’assurance du véhicule, des frais d’entrée (formalité entrecoupée par la pause « prière » car le muezzin vient de chanter…) puis sortons enfin –quatre heures plus tard- pour nous retrouver dans un environnement surprenant : la «zone franche» de Taba, avec ses hôtels de luxe bouclés derrière de grands portails, son casino et ses boutiques chic alignées le long de la route. Au bout d’un kilomètre, un check-point nous rappelle que nous entrons réellement en Egypte et qu’il faut à nouveau payer des droits d’entrée sur le territoire. Bref, cela ne nous empêche pas de nous garer un peu n’importe comment sur la voie de droite de la route pour préparer notre rituel dominical des crêpes ! Nous trouvons un parking un peu plus orthodoxe pour bivouaquer et nous reposons volontiers de cette éprouvante journée. Le pays étant passablement ébranlé par la révolution du printemps 2011 et pas encore stabilisé par un gouvernement définitif, nous devrons être très vigilants pour établir nos bivouacs : plus question de se poser dans un coin sympa au milieu de nulle part… On nous a aussi prévenus qu’il serait difficile de trouver du gas-oil.


    Le Sinaï

 
  Ne sachant pas encore par quel bout nous sortirons (port israélien ou port égyptien), nous décidons de profiter de notre passage dans le Sinaï et commençons par mettre le cap sur Dahab, petite  station balnéaire où débarquent surtout les touristes indépendants, et qui a su garder une simplicité précieuse dans son mode d’accueil. Par contre, sur la route, nous voyons défiler quantité de complexes hôteliers à la construction visiblement arrêtée, ou bien terminés mais à l’abandon, faute de touristes… Pourtant, le paysage est idyllique : les montagnes plongent dans une mer turquoise, que bordent d’immenses plages. Pour notre part, c’est au bout d’une piste, après avoir traversé un quartier de boutiques dédiées à la plongée, séparées par des épiceries et des petits hôtels, où se baladent tranquillement les vacanciers occidentaux en tenue estivale, que nous élisons domicile. Le ton est donné : ici, on se détend ! Nous nous garons au niveau d’un fameux spot de plongée appelé le Blue Hole. Les pickups déversent à tour de rôle les plongeurs et leur équipement sur la plage, devant les bistrots en bois de palmes où tous boivent un thé, se restaurent et lézardent devant la mer après leur virée sous-marine, assis sur des coussins moelleux.
   
Thierry part en repérage avec masque et tuba et revient enchanté : cet aquarium géant est encore plus spectaculaire que celui d’Aqaba ! Du coup, le lendemain, toute la famille se déguise en « sous-marin » pour aller admirer les poissons multicolores (et plus dodus que ceux d’Aqaba) et surtout les coraux bleus, roses, jaunes parmi lesquels ils évoluent. Les enfants se régalent aussi sur les rochers, où l’eau vient s’engouffrer et forme de petits bassins dans lesquels il fait bon patouiller. Après le déjeuner, nous testons les fameux canapés du boui-boui d’à côté pour y boire un délicieux « café américain » (c’est-à-dire un Nescafé !) et faire bronzette à l’abri de la brise. Ensuite, nous allons faire quelques emplettes « en ville ». Les rues piétonnes sont jalonnées de magasins de souvenirs, luminaires, épices, parfums, articles de plongée, etc. et il est vraiment plaisant de s’y promener. On débouche ensuite sur une enfilade de restaurants, tous plus sympas les uns que les autres, installés en bord de mer. Les serveurs rivalisent d’audace pour attirer les touristes dans leur établissement (entrée et dessert offerts, ristourne sur le menu des enfants, « la cuisine est très propre », par exemple) ; on sent que les temps sont durs et qu’ils sont loin de faire salle comble comme ils le faisaient d’habitude à cette époque avant la crise dans les pays arabes… Le matin du troisième jour, dernier snorkelling (palmes-masque-tuba) dans une mer d’huile, sans vent, pour que chacun admire encore une fois tous ces charmants poissons aux couleurs éclatantes qui jouent à cache-cache dans les coraux, à seulement quelques centimètres de profondeur !

   

  
Le désert de montagne nous attend maintenant, qui abrite le Monastère Sainte-Catherine et le Mont Sinaï. Nous nous attendions à une route tortueuse, qui nous emmènerait dans un coin paumé… Il n’en est rien : nous montons à peine en altitude et le village Al-Milga de Sainte-Catherine est tout juste encaissé dans une petite vallée ! Le vent souffle très fort et il fait frisquette, mais nous nous lançons néanmoins à l’ascension du Mont Sinaï, accompagné de Mohamed, un jeune bédouin de quinze ans qui nous sert de guide. La montée est raide et les propriétaires de dromadaires ne cessent de nous proposer leurs montures «for the children». Nous continuons malgré tout à pied, ce qui, au bout
d’une heure, n’est plus vraiment du goût de nos chers bambins… Il est vrai que le ciel s’est couvert et qu’on ne peut même plus promettre une vue superbe depuis le sommet, mais il est bien écrit dans les livres que les enfants doivent apprendre le goût de l’effort, non ?

    Heureusement, le Sentier des Chameliers est large et bien balisé et nous arrivons deux heures plus tard à la Cuvette d’Elie, qui nous offre déjà un panorama impressionnant sur les autres sommets environnants, au coucher du soleil. Thierry gravit ensuite tout seul les 750 marches, taillées dans le roc, qui mènent au sommet (2285m) et à une petite chapelle. Pendant ce temps, les enfants, Sabine et Mohamed trouvent refuge dans l’un des nombreux «cafés d’altitude» perchés à flanc de montagne. Le tenancier, adorable, leur prépare un maigre petit feu de charbon qui leur réchauffe au moins les mains… Un bon goûter redonne le moral aux troupes, d’autant que maintenant, c’est la descente à la lampe frontale qui nous attend, beaucoup plus excitante ! Dire qu’il fait une dizaine de degrés, que nous sommes calfeutrés dans nos blousons, portons des gants et sommes chaussés de baskets, alors que Mohamed est en jellaba et tongs…

    Dans la nuit noire, les yeux des dromadaires, couchés le long du chemin, réfléchissent la lumière de nos lampes de poche. Nous sommes fiers de la ténacité dont ont fait preuve nos loustics et retrouvons notre cabane à roulettes avec plaisir ! Nous roulons jusqu’au village, Al-Miga, où Mohamed nous indique où trouver de la connexion internet. L’endroit est ouvert aux quatre vents alors que le vent souffle encore à tout rompre dehors… Il suffit de bien se couvrir, voilà tout. D’ailleurs, les hommes qui sont là sont enveloppés dans d’épaisses couvertures de laine. Le Bédouin de la montagne nous avait recommandé d’aller bivouaquer dans un campement, mais il est fermé quand nous y arrivons. Du coup, nous nous garons devant, et c’est très bien.

 

24 Egypte (l’arrivée)