avril 2012
Famagouste
Après un passage de frontière somme toute très rapide, nous nous retrouvons dans la moitié nord de l’île, occupée depuis 1974 par la Turquie. Les infrastructures sont moins bien entretenues que dans le sud, les activités sont plus rurales, on retrouve les mosquées, quelques femmes voilées, un peu plus de bazar ambiant, et plus de saleté. Ceci dit, les paysages naturels sont toujours aussi chouettes.
Les zouzous ayant consacré une grande partie de la journée à préparer un spectacle d’ombres chinoises, nous assistons à leurs deux représentations (Amélie toute seule, Inès et Martin ensemble), entassés au fond du camion sur la banquette du lit d’Amélie, tandis que la scène, les décors et les « marionnettistes » sont installés dans le lit de Martin. Un pur délice, et comique qui plus est ! Plus tard dans la soirée, le défilé des « djodjos » dans leurs voitures bruyantes avec la musique à fond nous fait fuir… Nous finissons par aller nous installer sur un parking d’université, moins bucolique car il n’est pas en bord de mer, mais vraiment plus calme. Nous nous y réfugions donc et parvenons à dormir sur nos deux oreilles.
De retour au camion, ce sont Inès et Martin qui nous convient à assister à leur spectacle d’ombres chinoises intitulé « Le singe et le bonhomme ». Qui eût cru que notre voyage eût été si culturel et artistique au sein même de notre cabane !?! Nous sommes vraiment gâtés ! Dans Famagouste, un monument étrange attire l’attention : les restes d’une cathédrale munie d’un minaret… Il s’agit de la Mosquée Aghia Sophia de Lala Mustapha, qui, en envahissant l’île en 1570, transforma la cathédrale gothique des XIIème-XIVème siècles en mosquée afin de pouvoir y pratiquer sa religion. Les vitraux ont été remplacés par des moucharabiehs en plâtre et un immense tapis vert recouvre le sol, mais l’édifice n’en reste pas moins majestueux. Dehors, c’est la fête : à l’occasion du Festival International des Enfants, des danses folkloriques sont présentées par des groupes d’enfants en costumes traditionnels de leurs pays (visiblement, des pays qui reconnaissent l’annexion de Chypre du Nord par la Turquie…) et la musique bat son plein.
Des étendues sauvages à perte de vue, voilà ce qui nous manquait ! Dans les tons vert tendre, vert foncé et jaune, la campagne de la pointe nord-est nous ravit. Nous élisons domicile au bout d’un petit chemin de terre, au milieu des oliviers, des amandiers et des mimosas en fleurs, et surtout, au milieu de nulle part ! On sort la table et les chaises de camping et on profite du temps un moment suspendu… Les enfants se sont évidemment inventé une cabane et l’imagination travaille sec !
A quelques kilomètres s’élèvent les crêtes du mont Pendadaktylos, où sont accrochées les ruines du château de Kandara, à 630 mètres d’altitude. Construit par les Byzantins au XIème siècle pour se protéger face à l’occupant arabe, il domine à la fois les versants sud et nord de la presqu’île de Karpaz : c’est bôôô !!
Par endroits, la roche est à fleur d’eau et constitue de formidables plateformes-les-pieds-dans-l’eau, bien agréables pour se rafraîchir en attendant que « ça morde »… Puisque le poisson est timide, malgré la ténacité et la patience de nos pêcheurs en herbe, Thierry nous prépare des toasts de courgettes grillés à l’huile d’olive : un régal !
Girne–Kyrenia
Plus on roule vers l’ouest, plus la côte s’urbanise : entre les lotissements, les complexes hôteliers et même les golfs, il ne reste guère de verdure ni d’accès à la plage… Quant à Girne–Kyrenia, c’est la réplique d’une de nos cités balnéaires de la Côte d’Azur. Du coup, pour être tranquilles, nous grimpons sur les hauteurs et nous garons sur le parking de la superbe abbaye de Bellapaïs, qui surplombe la ville et la mer.
Vous l’aurez compris, la nuit n’aura pas vraiment été réparatrice… Vaillamment, nous visitons tout de même cette belle abbaye gothique de Bellapaïs, dans laquelle nous rencontrons quatre Françaises en vadrouille, très sympas, avec qui nous apprécions d’échanger sur notre voyage et les leurs, car cela faisait longtemps que nous n’avions pas « causé » avec des personnes extérieures à notre petite cellule familiale ! Martin et Amélie s’empressent d’ailleurs de nous le faire payer en se rendant détestables (réaction quasi-automatique dès que nous adressons la parole à quelqu’un, en ce moment…), alors que, pour une fois, la conversation est en français ! Ah, les enfants…
Côté démarches pour le ferry, nous n’avançons guère… Finalement, un sympathique jeune homme du port nous conseille de nous présenter à la première heure, le jour suivant, au guichet de l’une des trois compagnies qui assurent les liaisons avec la Turquie. Il suffit d’acheter les billets et de grimper dans le navire qui voyage ce jour-là. Pour terminer la journée, goûter et ricochets sur une plage de galets, puis « sillonnage » de la ville, une fois les zouzous couchés, pour attraper une connexion internet.
Brutale sortie de sommeil, comme par un matin de boulot : au lieu des petits oiseaux ou des vagues de la mer (ou des Russes qui chantent faux…), c’est le réveil qui sonne pour que nous ne rations pas le ferry ! La tête encore « dans le seau », Thierry conduit jusqu’au port et Sabine achète les fameux billets, mais le bateau ne partira qu’en début d’après-midi : c’était bien la peine … Nous patientons un peu à l’écart du centre-ville, à côté d’un jardin-zoo, et en profitons pour rincer une lessive et faire classe.