6 Croatie (fin) Monténégro /

       Albanie / Macédoine                 

 

    Dimanche 18 septembre (Croatie)

    Visiblement, le «camping fantôme» de est aussi sur le chemin de beaucoup de personnes qui se rendent d’une rive à l’autre du village -tout étiré- et qui ne veulent pas marcher sur la route, car les promeneurs défilent, tandis que nous petit-déjeunons paisiblement dehors. Nous rencontrons d’ailleurs un couple franco-croate qui nous donne de précieux conseils, d’une part sur l’endroit où se garer à Dubrovnik, et d’autre part sur le nom du médicament à demander à la pharmacie pour se déb
arrasser des charmants oxyures découverts quelques jours plus tôt chez Amélie…

   

    Nous nous garons donc sur les hauteurs de Dubrovnik, le long de la route, et nous n’avons qu’à descendre les multiples marches d’escalier en contrebas pour entrer dans la merveilleuse ville fortifiée. Nous assistons à la messe dans l’église Saint-Blaise, patron de la ville, puis traversons Placa, rue principale de la vieille ville, toute de dalles blanches revêtue, et dont les façades écrues aux volets verts sont toutes identiques. Il commence à faire sérieusement chaud et nous nous ravisons sur notre projet de faire le tour des remparts en plein midi : Thierry remontera chercher les affaires de plage au camping-car, tandis que les petits et Sabine vont tacher de débusquer la pharmacie de garde dont Lisette a donné approximativement l’emplacement ce matin, à savoir dans la ville nouvelle, soit à 3-4 km de là, dans le quartier de Gruz… Il y a bien un bus qui se rend là-bas, mais le chauffeur est tellement évasif sur l’horaire qu’ils prennent leur courage à deux mains et se lancent à pied… 5 minutes plus tard, 2 bus du bon numéro les doublent !… Screu-gneu-gneu !… Inès, Martin et Amélie font preuve d’un courage exemplaire, car ils marchent, en montée, au soleil, sans savoir exactement à quel niveau se situe la fameuse pharmacie … Par trois fois, leur espoir reprendra à la vue de la croix verte qui clignote… et par trois fois ils seront déçus car les officines seront bel et bien fermées !


    (N’o
ublions pas que nous sommes dimanche midi !). Enfin, au bout de trois quarts d’heure, ils entrent dans la seule pharmacie ouverte de Dubrovnik, qui, en outre, est climatisée ! Petite sueur froide tout de même : la pharmacienne annonce qu’il lui faut une ordonnance !...Sabine lui explique la situation et elle lui délivre le sirop sans sourciller. Pour récompenser les nounours courageux et ne pas trop faire attendre Thierry à la Fontaine Onofrio, l’équipée prend le bus pour rentrer. Puis, direction : petit resto sur le port où nous dégustons un délicieux risotto de fruits de mer et des moules (sandwiches pour nos loulous peu téméraire en matière culinaire) et plage de Ranje ! (à 300 mètres de la ville) en attendant que le soleil soit moins costaud. C’est l’occasion de lire «Le Monde» et de se tenir au courant de se qui se passe au bled…


    En fin d’après-midi, la chaleur est acceptable et nous crapahutons le long des remparts d’où la vue sur Dubrovnik est extraordinaire. Durant la dernière guerre, Dubrovnik a été bombardée et les deux tiers de ses toits détruits. Afin de redonner son aspect passé à la ville, il fallait remplacer quelque 490 000 tuiles aux tons roses et ocres qui faisaient le charme du lieu. Malheureusement, la fabrique des tuiles originales avait fermé au XIXème siècle et, pour retrouver un modèle de tuile le plus proche possible de l’ancienne, on lança un appel d’offre et le marché revint à une entreprise toulousaine, associée à une fabrique croate. Le résultat est convaincant, même si, à certains endroits, la texture des tuiles trahit leur fabrication récente.


    Pendant le tour, les enfants se sont inventé un jeu de marchands de cailloux (morceaux de verre dépoli ramassés sur la plage) et à chaque coin d’ombre, ils s’asseyaient en rond et négociaient entre eux l’échange de tant de cailloux contre tant de sous (virtuels). Il y a de la ressource ! Après ce chouet
te tour qui complète vraiment la visite «au sol», nous regagnons le camping-car (dur-dur de regrimper toutes ces marches, presque dévalées le matin même) et partons en direction de la frontière monténégrine. Il est déjà tard, et nous nous arrêtons dans un village, Cilip,  tout près de l’aéroport (c’est bruyant, un avion qui décolle !) où nous demandons l’autorisation à une habitante de stationner là.


    Lundi 19 septembre (Monténégro)

    Le temps de prendre le petit-déjeuner et un habitant nous demande cordialement de quitter les lieux… Cela tombe bien, nous avons de la route à faire ! Nous dépensons nos dernières kune croates au supermarché du coin et à la poste (où, là aussi, comme en France parfois, je dois patienter un bon moment, le temps que la préposée demande des nouvelles à la personne qui me précède, puis téléphone pour avoir un renseignement… qu’elle n’obtiendra pas ! et comprenne enfin qu’il me faut des timbres !?!


    Nous entrons au Monténégro en fin de matinée ; rien de bien différent par rapport à la Croatie : même langue (à quelques subtilités près), mêmes enseignes (du moins, au début) et des routes encore plus défoncées ! On nous déleste de 30 euros de taxe écologique dès la frontière : le ton est donné (surtout quand on voit le nombre de poubelles «naturelles» qui dénaturent le paysage !) Ce qui nous surprend, c’est de payer en euros. Nous qui croyions être déjà loin… Cet état tout récent, qui a proclamé son indépendance par rapport à la Serbie en 2006, a adopté notre monnaie européenne par «dépit», mais ne fait pas encore partie de l’espace Schengen pour autant. Les Monténégrins sont plutôt sympas et conduisent comme des fadas ! A nous les petites routes étroites de montagne…


    Nous mettons directement le cap sur les bouches de Kotor, dont les photos font rêver. Une grande aire de stationnement, en face du village de Perast, au niveau du détroit de Verige, nous accueille, ainsi que d’autres visiteurs curieux d’admirer l’endroit. Il y a de quoi : deux îlots surmontés, l’un de la petite église Notre-Dame-du-Récif, l’autre de l’Abbaye Saint-Georges apparaissent en premier plan devant le charmant village. Nous avions même projeté de prendre le bateau pour nous rendre sur l’îlot de Notre-Dame-du-Récif, mais la météo en a décidé autrement : le vent souffle maintenant très très fort (les enf
ants en ont emmêlé leurs «cerfs-volants» de papier et sont portés par les rafales même en se laissant tomber en avant !) et le ciel se couvre peu à peu. Nous avons juste l’occasion d’apercevoir un dauphin qui remonte courageusement le courant avant que le brouillard nous coupe totalement du paysage ! Il se met à pleuvoir à l’horizontale : un vrai déluge !

Une sieste plus tard, le vent est tombé et nous partons à la découverte de Perast, qui compte pas moins de 19 palais, en plus ou moins bon état…


    Nous nous lançons ensuite dans une sacrée aventure : monter au monastère d’Ostrog et traverser pour cela toute la montagne, empruntant de ce fait une route extraordinairement tortilleuse pendant des kilomètres et des kilomètres…(80 en fait, mais avec les virages, on n’avance pas à plus de 30 km/h !). Nous bivouaquons, à la nuit tombée, près de l’entrée du Parc National du Lovcen, devant une auberge dont le tenancier nous accepte sans souci. La nuit est fraîche, le dépaysement est total !


    Le lendemain, nous empruntons la Route Serpentine, magnifique malgré la pluie fine, et découvrons les couleurs d’automne dans les arbustes (ceux qui ne sont pas calcinés… Apparemment, on utilise ici la technique de l’incendie volontaire pour débroussailler une parcelle et la rendre accessible aux troupeaux de moutons et de chèvres). Le foin est rassemblé en espèce de tipis et protégé par des bâches maintenues par des pierres suspendues. Beaucoup de maisons –en pierre– semblent abandonnées. On distingue, dans les cours, des ronds en pierres d’environ 5 mètres de diamètre, rehaus
sés d’un muret. Nous apprendrons plus tard qu’ils servent à séparer le grain de blé de l’épi et s’appellent « gummo ». C’est dans le brouillard que nous distinguons le monastère d’Ostrog, perché à flanc de montagne. Enfin ! Son église troglodyte accueille la dépouille de Saint-Basile, dont le corps est resté intact pendant 7 ans dans son cercueil ! Par ailleurs, plusieurs mosaïques polychromes égaient coursives et balcons. En redescendant, nous admirons la vallée de la Zeta et les cultures qui se développent le long. Beaucoup de cyprès de Florence poussent par ici et l’on retrouve les figuiers.


    Mercredi 21 septembre (Monténégro)

    Retour du beau temps !! C’est une bonne idée car nous arrivons au-dessus de la rivière qui se jette dans le lac Skadar et le paysage est magique : garnie de nénuphars, la rivière encercle la montagne en une sorte de boucle, sur fond de montagnes gris-bleu que l’on distingue au loin. Au bout de la route, cette même rivière prend sa source dans le hameau de Rijeka-Crnojevica, où nous louons des canoës (le rêve d’Inès) pour aller découvrir les méandres de cette rivière majestueuse. Elle est là aussi bordée de nénuphars et nous surprenons plusieurs hérons, des poules d’eau et des oies rieuses. L’équipage Inès-et-Martin se débrouille comme des chefs pour pagayer ! Amélie s’essaie à la technique… et assomme un peu ses co-équipiers au passage… Bref, nous nous amusons comme des p’tits fous !


    Avant de rejoindre la ville de Kotor, nous faisons une halte à Cetinje, ancienne capitale du royaume mais dont les monuments datent plutôt du XIXème siècle : palais néoclassiques et ambassades «art nouveau», parcs au
x essences rares, monastère orthodoxe fortifié et allées bordées de tilleuls. Route Serpentine, bivouac sur la place du village de Njegusi  (un plateau au milieu de la montagne), séance cartes postales et hop ! en avant pour quelques derniers lacets dans les montagnes avant de découvrir les baies de Tivat et de Kotor nichées au pied des énormes rochers. Nous arpentons les ruelles biscornues de Kotor et admirons sa cathédrale Saint-Tryphon (et oui ! le professeur Tournesol a un protecteur !) érigée au XIIème siècle, très finement et richement décorée : ciborium en marbre rouge, retable en argent doré, bas-reliefs en marbre plus un musée à l’étage, où sont exposés des ciboires, plateaux, croix et ostensoirs de toute beauté. Comme il y a du réseau wi-fi, nous voilà accroupis sur des marches d’escalier avec l’ordinateur sur les genoux, au milieu des touristes curieux. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour prendre et envoyer des nouvelles !?! Cap vers le sud, toujours le long de la côte, et étape dans un camping surplombant la mer, à Sveti-Stefan. Pause lessive-école-plage… et ménage (on en avait bien besoin !).

    Vendredi 23 septembre (Albanie)

    Tout est rutilant du sol au plafond dans le camping-car, nous pouvons partir ! Escale à Petrovac, charmant village avec son port de pêche et sa belle plage et sa montagne didactique : on distingue vraiment bien les couches sédimentaires qui se sont accumulées au fil des siècles et Thierry en profite pour nous faire une petite leçon de géologie.


    Nous prévoyons de passer la frontière albanaise demain et mettons donc le cap à l’est. Dès que nous passons les montagnes, les couleurs d’automne réapparaissent. Nous nous laissons surprendre par la nuit et atterrissons sur un parking, en face d’un bistrot-cantine, à l’entrée de Godinje. Plusieurs jeunes de Podgorica (la capitale) sont venus se détendre au frais pour le week-end. Ils nous accueillent très gentiment et nous laissent nous installer «sous leurs fenêtres». Une fois nos zouzous couchés, nous allons partager un verre de vin local (délicieux) avec eux et apprendre un peu sur leur mode de vie. Les Monténégrins sont en général très sympas, l’un des jeunes nous apprend qu’ils sont aussi très paresseux (concernant la recherche de travail, notamment) et qu’ils roulent comme des marteaux en voiture (camion, bus, moto…) malgré le taux élevé de mortalité sur la route.


    Samedi 24 septembre (Albanie et Macédoine)

    Nous achetons une bouteille du délicieux nectar bu la veille aux tenanciers du bistrot qui sont adorables. Pas d’étiquette sur la bouteille, et une capsule métallique en guise de bouchon…

Ensuite, nous empruntons la route qui surplombe le lac Skadar, bien escarpée elle-aussi, et atteignons la frontière albanaise en début d’après-midi. A partir de là, le rythme change, plus dynamique ! Vaches, ânes, voitures à cheval, chiens, camions et voitures se partagent la route ; les piétons traversent par surprise, au milieu de nulle part ; il n’est pas rare que 4 véhicules se croisent ou roulent de front sur une «départementale» ; les façades des maisons arborent des couleurs très vives, parfois même criardes… On voit beaucoup de constructions nouvelles en cours (surtout des entrepôts) et des réservoirs d’eau sur les toits (l’Albanie est sujette aux coupures d’eau et d’électricité intempestives) ; la protection de l’environnement et de la nature ne doit pas encore figurer parmi les impératifs du pays au vu des tonnes de détritus qui jonchent le sol et les bords de rivières ;  les magasins de mobiliers, accessoires de voiture, outils de jardin et agricoles comportent souvent deux étages : seul le rez-de-chaussée est fermé (fenêtres et portes); à l’étage, ni porte ni fenêtre, tout est ouvert aux quatre vents… Les feuilles de maïs sont rassemblées en «huttes» que l’on fait brûler pour nettoyer les champs; les Albanais utilisent deux monnaies dont l’euro, mais ne font pas partie de l’Union Européenne. L’eau débaroule des montagnes si bien qu’elle coule en permanence des tuyaux branchés à même le sol et on peut faire laver sa voiture tous les 200 mètres

si on le souhaite ; bref, l’ambiance est plutôt chaotique…


    Après avoir découvert les paysages montagneux, un peu cracra, avec les vendeuses de grenades au dét
our de chaque virage et les troupeaux de moutons et de chèvres qui caracolent un peu partout, nous surplombons la ville d’Elbasan et son immense zone industrielle d’où sort une fumée douteuse. Nous décidons de traverser la ville et de nous arrêter juste après, mais nous apercevons un panneau «camping» sur le bord de la route et, à peine stationnés, nous nous faisons aborder par un homme qui nous propose de nous installer sur son aire de camping, plus tranquille et sûre que la ville qui grouille. Effectivement, en contrebas de la route et d’un grand bâtiment (son atelier de pièces détachées pour voiture), il désigne un immense parking devant sa maison (où il habite avec femme, enfants et grands-parents) où nous pouvons nous installer. Nous acceptons volontiers, d’autant qu’il fait nuit maintenant et que nous ne tenons pas à renverser une vache ou une mobylette sans phare sur la route !


    Albin nous présente sa famille et nous offre une bière bien fraîche, tout en nous expliquant où se trouvent les toilettes, le tuyau d’eau pour faire le plein des réservoirs et la tirette à bière de son bar !... Il nous propose même de nous connecter à Internet dans sa maison, n’ayant pas de wi-fi. Nous sommes comblés. Une fois les enfants rincés, rassasiés et couchés, nous consultons nos e-mails sur la terrasse où Albin a installé un ordinateur portable rien que pour nous, puis
discutons avec lui en visitant son atelier et les locaux qu’il destine à un accueil 24h/24 pour les voyageurs-campeurs : un projet d’envergure qui connaîtra sûrement le succès ! Il nous apprend que les montagnes regorgent d’eau et permettent d’alimenter tout le pays en électricité grâce aux centrales hydrauliques installées dans tout le pays, d’où les geysers le long des routes et les innombrables stations de lavage de voitures (dire que nous avons quitté la France dans un climat de pénurie d’eau !...).


    Le lendemain matin, nous saluons toute la petite famille et prenons une photo avec eux, en promettant de donner leurs coordonnées à nos amis Berteau qui passeront par là bientôt. La maman d’Albin m’entraîne derrière la maison pour me montrer fièrement le potager et la roseraie qu’elle entretient valeureusement. Elle m’offre même un magnifique bouquet de roses qui dégagent un parfum délicieux. Dommage que le camping-car gigote trop pour y poser un vase plein d’eau !


    Quelques heures plus tard, nous entrons en Macédoine, où d’un coup, tout est plus calme, plus propre aussi ! Certes, on croise toujours autant de moutons, vaches ou chèvres sur les routes, beaucoup de voitures à ânes aussi et des nids de poules tout aussi profonds que ceux de l’Albanie. Les femmes d’un âge sont également vêtues de noir et les motoculteurs-tracteurs pétaradent bien fort. Ce qui change : le double-alphabet, latin et cyrillique, et la monnaie (que nous n’utiliserons pas car nous ne restons qu’un après-midi et pouvons payer notre café en euros à Ohrid). En effet, nous pique-niquons au bord du lac d’Ohrid (ville classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco, mais que nous visiterons une prochaine fois), propre, dont la promenade sur le front de mer est toute calme et l’eau peu profonde. Le vendeur de souvenirs avec qui nous partageons le banc entame une conversation pas très facile, même si les rudiments d’anglais permettent de dire des banalités, mais en tout cas, il est fort sympathique. Nous nous offrons ensuite un café avec vue sur le lac, dans une ambiance toute tamisée qui fait un peu penser à Annecy.