8 Bazargan ou l’entrée en Iran

 

   octobre 2011

Quelques kilomètres avant la frontière turco-iranienne, une double file de camions (au moins 1 km) est arrêtée devant nous. Un chauffeur nous conseille d’emprunter la route en réfection juste à côté. Il y a juste une «marche» d’une trentaine de centimètres à franchir… Heureusement, Thierry trouve un endroit un peu moins haut pour traverser et nous pouvons rouler normalement, doublant ainsi les poids lourds qui sont en fait dans la file d’attente de la frontière (il y a certainement un contrôle un peu plus poussé que pour les voitures).


    Première étape : contrôle des passeports côté turc, à pied. Devant nous, les passagers des bus de tourisme doivent descendre et récupérer tous leurs bagages afin que les douaniers puissent inspecter le bus : quel bazar ! Ensuite, Thierry revient en arrière -sur un kilomètre- pour enregistrer la sortie du camping-car mais le logiciel refuse et nous devons aller passer le camping-car aux rayons X à l’entrée du circuit (on doit avoir l’air vraiment louche !)… Un homme, que nous prenons pour un employé des douanes, nous accompagne et nous aide à zigzaguer entre les poids lourds stationnés et les guérites de contrôle. Rien à cacher ni à déclarer : nous pouvons retourner au portail qui nous sépare de la frontière iranienne… Le gars demande un bakchich : ce n’est que le début… La barrière s’ouvre au compte-goutte et il faut dégainer vite si on ne veut pas se faire doubler ! Une fois du côté iranien, les militaires (tenue sable-rose et kaki pastel) inspectent une première fois nos passeports et nous invitent à rentrer pour un contrôle informatique, d’un côté de la cloison puis de l’autre. Ensuite, présentation du carnet de passage en douane : tour de piste des différents bureaux pour obtenir tous les coups de tampons nécessaires, et un tour gratuit dans un magasin pour faire photocopier les visas ! Après une demi-heure de ce manège, les papiers du camping-car sont en règle. Une dame examine l’intérieur, d’un coup d’œil rapide.


   Deuxième étape : l’échange de monnaies… Sabine se rend au bureau de banque où l’employé lui dit clairement que dans le hall d’attente, le taux de change «sous le manteau» sera bien plus intéressant que le sien, qui est officiel. D’ailleurs, quelqu’un se présente aussitôt la porte de la banque passée ! Son taux est bien inférieur à celui que le banquier avait annoncé : la négociation commence… Retour au guichet, le banquier accompagne carrément Sabine dans le hall et cherche le «bon» changeur. Il arrive, propose le taux annoncé, mais le premier changeur fait grimper légèrement les enchères. Le  second suit : adjugé-vendu ! Le banquier conseille même de changer tous les dollars que nous avons car le taux est vraiment devenu alléchant ! Nous sommes désormais multimillionnaires… en rials iraniens ! (1 euro = 15 000 rials)


   Troisième étape : sortir de ce bazar. Nous suivons la file des véhicules qui ont réussi ce parcours du combattant et nous faisons héler par un homme qui nous annonce que nous devons nous acquitter d’une taxe «diesel» de 400 euros ! Pas de taxe, pas possible de sortir… Après une bonne demi-heure de négociations et d’explications, plus un coup de fil à un autre homme qui parle anglais, nous convenons de 30 euros (ce qui est tout de même plus raisonnable) mais il faut encore se rendre dans le bon bureau pour obtenir les précieux tampons… 10 petites minutes plus tard, tout est en ordre, même si nous avons le sentiment que la carte doit être gratuite, en réalité… M’enfin !


    Quatrième étape : remplir le réservoir d’essence, qui est totalement à sec (la différence de prix étant abyssal entre la Turquie et l’Iran, nous avons même vidé nos bidons de secours pour faire les derniers kilomètres jusqu’à l’Iran !). L’homme de la « taxe diesel » monte avec son ami dans le camion pour nous guider jusqu’à la station-service, nous aide un peu à calculer le nombre de billets à sortir (on s’y perd un peu avec tous ces zéros) et prend congé en nous saluant amicalement.

Au total, nous avons mis 5 heures à passer la frontière mais, ça y est, nous y sommes !


    CInquième étape : trouver un bivouac. Il fait nuit (nous n’avons avancé nos montres que d’une demi-heure, mais le soleil se couche toujours aux alentours de 18h-18h30) et la ville-frontière de Bazargan n’est pas très engageante. Puisque nous avons pris le pli, nous cherchons des casemates et des murs rehaussés de fils barbelés pour demander asile auprès des forces armées. Le planton à qui nous nous adressons nous souhaite la bienvenue en Iran et nous laisse nous garer le long de la route, assez large du reste. Soulagés, nous nous installons, dînons, couchons les enfants et préparons la journée du lendemain. A 23h 30, un autre soldat vient nous expliquer que nous devons partir : il craint pour notre sécurité dans l’hypothèse où ils aient à riposter contre une attaque extérieure éventuelle ! En gros, nous les gênons. Et c’est reparti mon quiqui ! Nous roulons une dizaine de kilomètres et nous arrêtons dans la ville de Maku, le long d’une aire de jeux pour enfants, sous un lampadaire. Le lendemain matin, Inès, Martin et Amélie sont ravis d’avoir échangé casques lourds et barbelés contre toboggans et gazon frais !